Musée La Piscine : Lumière et couleurs

La saison automnale de La Piscine est une ode à l’humanité et au partage, comme le montre notamment Le Cri de liberté, spectaculaire exposition consacrée à Marc Chagall.

De l’aveu même de Bruno Gaudichon, le conservateur du musée La Piscine de Roubaix, personne ne s’attendait à ce que cette saison résonne autant avec l’actualité. Le fer de lance de cet automne est l’extraordinaire exposition consacrée à l’œuvre de Marc Chagall. Mûrie depuis 20 ans, nourrie de prêts exceptionnels venus du monde entier, l’exposition Le Cri de liberté « constitue la première lecture complète des travaux de Chagall sous l’angle des prises de position et de l’engagement de l’artiste. » Elle offre des rencontres avec des œuvres phares monumentales, à l’image de l’éblouissante Commedia dell’arte, ou plus intimistes, telle l’émouvante Maison bleue. Mais au-delà de la « sidération figurative » provoquée par la beauté des toiles, l’œuvre de Chagall pose question, interroge, d’où la nécessité de recontextualiser l’ensemble en mettant au regard de l’œuvre des dizaines d’archives inédites et fascinantes.

C’est en cela que cette exposition est bouleversante. L’artiste, juif de confession, a traversé deux guerres, a connu l’exil, et l’on ressent son besoin de témoigner, de laisser une trace de ce monde en voie de disparition, menacée par la montée des extrêmes et les persécutions. On frissonne à la vue du caractère presque visionnaire de ses œuvres qui annoncent la tragédie à venir. L’artiste repousse sans cesse les interdits, s’autorise tout et laisse parler un art empreint de lumière, de nostalgie, d’humour, d’horreur, de joie, de couleur. Un art multiple qui ne cesse jamais de se renouveler, du fait de « l’intranquillité » permanente de Chagall qui le pousse à rester en éveil et à se nourrir de tout ce qui se passe autour de lui. Il existe pourtant une constante dans son œuvre : la volonté de délivrer un message d’universalisme et de paix.


Résonnances
Comme à chaque nouvelle saison, La Piscine organise plusieurs expositions qui offrent, entre elles, d’étonnants jeux de résonnance. L’exposition D’un réel à l’autre, consacrée au peintre George Arditi, opère ainsi comme un écho au Cri de liberté de Chagall. Issu d’une famille de juifs immigrés, Arditi a, lui aussi, connu la guerre, l’exil, la négation de son identité. Centrée sur l’après-guerre, l’exposition montre comment l’artiste n’a jamais cessé d’interroger la réalité, donnant à voir le monde, en en créant de nouveaux. Figure engagée, passionnée, romanesque, George Arditi a construit une œuvre traversée par l’inquiétude, le doute, la peur, mais aussi et surtout par la couleur et la lumière d’une espérance inébranlable. Une relation presque charnelle à la matière que l’on retrouve dans l’œuvre de Marc Ronet qui a offert à La Piscine plus d’une vingtaine de tableaux. Autant de symboles d’une complicité avec le musée qui met ici en lumière toute la violence poétique des œuvres envoûtantes de l’artiste. Autre exposition fascinante : Sur la route des Flandres, qui offre une nouvelle approche de l’œuvre et du parcours de Claude Simon, peintre-écrivain et prix Nobel de littérature en 1985. Après les horreurs vécues durant la Seconde Guerre Mondiale, l’artiste a cherché à reconstruire une vision du monde plus humaine et harmonieuse, par le prisme d’une esthétique fondée sur un riche dialogue entre image et texte. Enfin, ne manquez pas IA-TERRA, l’installation de l’artiste Fanny Bouyagui qui fait dialoguer céramique et intelligence artificielle. Figure phare de la métropole, instigatrice des légendaires Braderies de l’art roubaisiennes, Fanny Bouyagui ne cesse de casser les codes et de nous surprendre pour mieux nous pousser à réinterroger le monde et nos certitudes… comme un certain Chagall en son temps. Tout se recoupe ! Vous avez jusqu’au 7 janvier 2024 pour profiter de cette saison riche en émotions !

Juliette Courtois

Crédit Photo @Musée La Piscine

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