Jef Aérosol, de l’ombre vers la lumière

Jusqu’au 21 janvier 2024, le Musée de l’Hospice Comtesse organise Jef Aérosol Stories, première grande rétrospective consacrée à ce lillois d’adoption dont les œuvres ont conquis le monde entier.

Que peuvent donc bien avoir en commun la Grande Muraille de Chine, le Mont Saint-Michel et le Musée de l’Hospice Comtesse ? Ils ont tous été siglés de la flèche rouge dont Jef Aérosol signe ses créations, petit « élément perturbateur » mais grande marque de fabrique d’une œuvre foisonnante.

Depuis 40 ans, ce dandy rock développe un double travail : d’un côté les toiles, de l’autre les œuvres peintes sur les murs du monde entier. Ses techniques de prédilection ? Le pochoir et la bombe aérosol. Ciselées telles de la dentelle, ses matrices de carton offrent une infinité de détails soulignés par le travail de la peinture. Un processus complexe qui suit toujours le même chemin, menant du noir profond au blanc éclatant, en passant par d’infinies nuances de gris, et qui parvient à créer d’hypnotisants jeux de texture et de matérialité. Se méfiant des étiquettes « street-art » qui enferment plus qu’elles ne définissent, Jef Aérosol préfère parler d’un art contextuel qui se nourrit des histoires et des lieux. Sa devise est de ne jamais occulter l’existant, mais d’ajouter en faisant dialoguer les influences et les époques. De musique et d’enfance, d’urbanité trépidante, de foules riches et diverses et de visages d’icônes ou d’anonymes, voilà de quoi sont faites les histoires que nous raconte Jef Aérosol de son langage universel et poétique.


Rétrospective immersive
L’artiste se décrit comme un « fétichiste » de l’objet qui ne se sépare jamais de rien, de peur de voir s’arracher des pages entières de sa vie. Il imagine ses collections comme autant de juxtapositions de coups de cœur, d’oeuvres phares ou de petits riens du quotidien qui le racontent autant que son art. Cette obsession de tout conserver s’est avérée une alliée de taille pour Mathilde et Gautier Jourdain, collectionneurs et fondateurs de la galerie parisienne Mathgoth, que Jef Aérosol a choisis pour orchestrer cette grande rétrospective. Imaginée comme une balade urbaine, l’exposition retrace la vie de celui qui, avant de devenir Jef Aérosol, fut d’abord Jean-François Perroy, gamin timide et rêveur, passionné de musique et de littérature anglo-saxonnes, et de contre-cultures au romantisme salvateur. Une passion pour les univers anglo-saxons qui le poussera à devenir… professeur d’anglais ! Dessins, peintures, photos, musique, Jean-François Perroy aime bidouiller, bricoler et surtout se laisser porter par le mouvement. Fou d’imagerie musicale, il collectionne posters, couvertures d’albums et fanzines auxquels participent alors de célèbres artistes qui lui font découvrir différents courants. Autant d’inspirations qu’il mêlera ensuite aux innovations permises par les photomatons et copieurs. C’est d’ailleurs à partir d’un de ses propres photomatons qu’il crée son premier pochoir, à Tours en 1982. Professeur le jour et artiste habillant les murs de ses pochoirs déjantés à la nuit tombée : Jef Aérosol est né.

En 1984, il pose ses valises à Lille… ville qu’il ne quittera plus. Là, il intègre une bande de joyeux lurons qui refont le monde sur fond de rock’n’roll, et trouve son grand amour, Yveline, son ancre, celle sans qui rien de tout cela ne serait possible. C’est peu dire, donc, qu’entre Jef Aérosol et la Capitale des Flandres c’est une authentique histoire de cœur et de passion. Il est ici chez lui… enfin aujourd’hui, car comme le lui a rappelé celui qu’il appelle affectueusement « le Monsieur Karcher de Pierre Mauroy », dans les années 80, ses pochoirs étaient la hantise de la mairie ! Ce sont toutes ces petites histoires, ces
stories, qui montrent combien Jef Aérosol est indissociable de l’histoire de Lille et combien son œuvre trouve parfaitement sa place au cœur de l’Hospice Comtesse, gardien et emblème du patrimoine de la ville. Géniales reconstitutions du premier atelier de l’artiste et de ses premières participations aux braderies de l’art de Roubaix ; film dévoilant les coulisses de fabrication des œuvres ; grandes toiles ; photos des interventions de l’artiste sur les murs du monde entier ; vitrines d’objets personnels, d’instruments et de collections de vinyles… cette exposition intime et immersive vous montre (presque) tout !

Et que dire de l’installation dans la chapelle du musée ? Préparez-vous à quelque chose de monumental, rock, envoûtant et surtout profondément émouvant. Ateliers, temps forts et visites guidées sont également organisés, ainsi qu’un « dévernissage » les 20 et 21 janvier, un événement festif et gratuit à ne pas manquer, car vous y apercevrez sans aucun doute l’élégante silhouette du dandy le plus célèbre de Lille !

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