Jusqu’au 4 mai 2024, les Archives nationales du monde du travail vous invitent à l’exposition Travailler en temps de guerre 14-18/39-45… un défi muséographique relevé haut la main !
Elle est là, immense, surplombant de toute sa majesté de brique le rond-point de l’Europe : l’ancienne usine Motte-Bossut, authentique château de l’industrie, qui abrite aujourd’hui les Archives nationales du monde du travail. Mais ne vous laissez pas effrayer par son imposante stature et osez franchir les portes de ce lieu unique qui a pour mission de collecter, classer, conserver et valoriser les archives des acteurs de la vie économique et professionnelle à l’échelle nationale et internationale. Accessible à tous, la salle de lecture permet de consulter librement des documents pour le moins fascinants. Des archives de l’Abbé Pierre à celles des Bibliothèques des Chemins de Fer, en passant par les livres de comptes monumentaux aux pages couvertes d’écritures élégantes racontant la richesse des entreprises d’antan, le choix est vaste et éclectique. Il faut dire que des 4 centres d’archives prévus au départ, celui de Roubaix est le seul à avoir vu le jour… d’où sa stature nationale et la quantité pharaonique d’archives conservées dans les entrailles de ce sublime bâtiment ouvert lors d’évènements et expositions temporaires qui redonnent vie à ces richesses du passé.
Fascinant sujet
Modeste par sa taille, l’exposition Travailler en temps de guerre 14-18/39-45 n’en possède pas moins une grande ambition : celle de questionner les mutations du travail au cours des deux guerres mondiales. Elle s’organise en 3 séquences :
« Sur le champ du travail », « Main-d’œuvre en guerre » et « Produire en guerre ». Photos, vidéos, publicités, tracts de propagande, documents officiels et archives privées y sont autant de portes ouvertes sur des aspects de la guerre souvent insoupçonnés. Connaissiez-vous la théorie du complot qui faillit mettre en faillite l’entreprise Maggi dont on pensait que le fameux Kub était un hommage caché au Kaiser ? Saviez-vous que les midinettes n’étaient pas de jeunes demoiselles écervelées mais des travailleuses acharnées de l’industrie de la mode qui prenaient leur courte pause à midi en utilisant de la dinette ? Auriez-vous imaginé que des décorateurs de théâtre avaient contribué à l’élaboration de techniques de camouflage ? A côté de ces détails pour le moins insolites, l’exposition offre aussi un regard inédit sur des sujets encore trop souvent tabous comme la place des travailleuses du sexe en temps de guerre, les conditions de vie des milliers de travailleurs étrangers qui ont œuvré pour la France, l’opprobre jetée sur les travailleurs forcés portant en eux ce traumatisme comme un honteux secret de famille. L’exposition montre également comment la guerre a transformé durablement les systèmes de production agricole et industrielle. Percutante, émouvante, fascinante, cette exposition totalement éco-conçue est le fruit d’une collaboration entre les Archives nationales du monde du travail, l’agence de création Fabula Factory et 6 étudiantes du Master Expographie-Muséographie de l’Université d’Artois. Un projet de passionnés qui n’ont pas ménagé leur temps et leurs efforts pour imaginer cette exposition unique qui s’accompagne d’une riche programmation : projections de films, conférences, pièces de théâtre, visites guidées et ateliers sont organisés pendant toute la durée de l’exposition. Et les plus jeunes sont aussi les bienvenus, des dispositions de médiation ayant été spécialement conçus pour eux. Et puis c’est gratuit, alors pourquoi se priver d’une aussi belle découverte ?.
Juliette Courtois