www.ecrivainshdf.com
A été mis en ligne. Il permet aux auteurs, souvent isolés et un peu perdus dans leurs démarches vis-à-vis des éditeurs, de trouver des réponses précises à leurs interrogations. Le contact peut être également établi via une page Facebook et LinkedIn. Des rencontres conviviales, des actions partagées (par exemple avec « l’ Association des planteurs volontaires ») contribuent à renforcer un climat de solidarité au sein de l’association. Chacun peut y trouver écoute et entraide dans un climat détendu et ouvert. Aucun élitisme et un souci partagé de « se tirer vers le haut ».
De nouveaux projets sont en cours de réalisation : partenariat avec « La grande Histoire » nouvelle maison résidence d’auteurs à Clermont dans l’Oise, ateliers préparatoires à la mise en relation avec les éditeurs et les producteurs de films, découvertes de lieux évoqués dans un livre ou un spectacle (exemples : Bouvines, le Bassin minier, les usines textiles …), enfin une BD sur « L’arbre et le livre », illustrée par les étudiants de PIKTURA, paraîtra en mai. Conçue dans une esprit pédagogique et ludique, elle appuie l’action un livre/un arbre créée par l’association, ou les créations de roseraies littéraires.
Une convention unissant les Écrivains des Hauts-de-France » avec l’AR2L
(Agence régionale du livre et de la lecture des Hauts-de-France) a été signée à Boulogne-sur-mer le 21 février 2024, lors des rencontres régionales du livre et de la lecture. Plus qu’un partenariat sur le papier c’est une véritable amitié, le partage des compétences, l’écoute et la bienveillance, qui unissent les deux structures à travers leur passion du livre.
site : ecrivainshdf.com
mail : ecrivainshdf@gmail.com
Elisabeth BOURGOIS
Sur les pas de la Beauté du monde
Notre monde est beau, et il est nécessaire que sa Beauté soit révélée à ceux qui ne la voient plus, tant ils sont écrasés par la laideur de la violence et des destructions en une époque dominée par l’égocentrisme, le matérialisme et la perte de tous les sens. C’est ce qui a motivé François Cheng, académicien, à prendre la plume «… À partir de l’âge de quinze ans, il y a ce désir d’écriture comme un sauvetage qui m’a empêché de sombrer. »
Ecrire, c’est répondre à cette injonction profonde qui tenaille le cœur et l’esprit : celle de déchirer le voile sombre qui cache cette Beauté aux yeux de tous. Sur le clavier, du bout des doigts de l’auteur, jaillit alors le jeu subtil des mots et des phrases, qu’il dépose sur la partition de la symphonie de l’Histoire des Hommes. Il compose le rythme du battement des cœurs, la respiration des émotions, le tableau de multiples vies et de lieux connus ou mystérieux.
Ecrire, c’est polir des perles d’histoires qui se dévoilent peu à peu au regard des lecteurs : perles d’une intrigue bien ficelée, d’une poésie enchanteresse, de cris de souffrance ou d’exaltations, de destruction ou de renaissance, perles de toutes aventures humaines. Ecrire la Beauté du monde c’est rejoindre ce que dit François Cheng « … ce qui fait de la vie une aventure, réside dans la singularité, la complexité et les différen-ces de chaque être. Chacun se sent habité par une capacité à la beauté et surtout au désir de voir, sentir, toucher la beauté. Quand celle-ci se manifeste, dans la « fulgurance de son élan »elle suscite perception, attirance et exaltation. »Ecrire la Beauté du monde, c’est offrir son immensité créatrice en partage.
Elisabeth BOURGOIS
Une romancière en prison
Il fait beau cet après-midi-là. J’arrive devant un ensemble de bâtiments clairs récents et bas. Les murs sont décorés de barbelés, des fils sont tendus au dessus de l’espace comme autant de toiles d’araignées.
Tout est calme, triste. Accompagnée d’un gardien à la belle barbe brune, je passe une dizaine de portails qui ne s’ouvrent qu’électroniquement, un véritable labyrinthe. On s’arrête : un groupe de prisonniers passe. Un courant d’air soulève la poussière, j’ai les yeux qui piquent. Derrière une grosse grille de métal blanc, je vois arriver un gardien et des hommes. L’un d’eux sort de sa cellule, un de mes romans en main : « La grand-mère aux loups ». C’est étrange de le voir en cet endroit hors du temps, hors du monde commun.
Nous entrons dans une petite salle de réunion, classique… sauf qu’une fois la porte fermée il n’y a pas moyen de l’ouvrir de l’intérieur… je ne m’en rends pas compte sur le moment ! Il y a quatre détenus. Quatre hommes attendant dans ce Centre national d’évaluation de la prison d’arrêt de Sequedin, la décision de leur prochaine libération… ou pas. A la fin de l’entretien je comprends qu’ils ont été transférés d’autres prisons de tous les coins de France, ayant eu, tous les quatres, de lourdes peines.
Je me présente : le travail d’écriture, le sujet des livres, le « métier » d’auteur, le pouvoir d’un livre… peu à peu, la gêne s’estompe, les regards se font plus francs : les leurs, le mien. Au bout de la table un des hommes semble s’ennuyer fermement, je lui demande s’il aime lire. Il hausse les épaules. Il est nettement là pour montrer sa bonne volonté de réinsertion. Je l’observe, lui demande de quel pays il est originaire… l’Algérie. Quelle ville ? Oran. Alors je lui montre un de mes livres « L’espérance du retour » avec la ville d’Oran en couverture. Son regard change, il est troublé. Je glisse le livre à travers le table, il le prend, l’observe, n‘ose l’ouvrir, puis soudain le serre contre lui comme un inestimable cadeau, me sourit, ne dit rien…
Parce que j’écris sur l’Histoire, la vie, les échecs, le courage, la lutte contre l’adversité, je sens peu à peu les cœurs de ces hommes s’ouvrir, leur envie d’aller plus loin… et puis la retenue, un silence qui en dit long… une nouvelle discussion qui s’installe, une confidence sur les paroles d’encouragement pleines de bon sens de la mère espagnole de l’un d’eux.
Ils me disent leurs projets de réinsertion professionnelle, espérant qu’enfin les portes de la prison s’ouvrent pour eux… inquiets de la rechute, de cet espace extérieur à redécouvrir, du monde à ré-apprivoiser. Notre rencontre autour du livre devait durer 2h, nous avons parlé et échangé une demi-heure de plus… dans un petit havre d’une paix apparente et étrange quand les cœurs et les esprits, timidement, osent créer une connexion entre des êtres humains qui auraient pu ne jamais se rencontrer.
L’un d’eux avait envie de me parler, encouragé par un des codétenus. « Ma vie est si… si incroyable », il n’avait pas les mots, il voulait que je les devine, il devait regagner sa cellule… les connaîtrai-je un jour ?
J’avais très peur de pénétrer dans ce lieu dont on ne connaît que le décor et les cris de violence, parce que je hais la violence. J’y ai découvert une humanité noyée d’angoisse, de tristesse, de solitude, de désespérance. J‘y ai découvert des hommes qui osent cependant croire en la liberté, au travail… et peut-être encore à la famille et aux autres… après avoir payé leurs erreurs et leurs énormes fautes.
En partant, deux surveillants, dont une femme, qui avaient noté mon travail de scénariste de spectacles vivants, m’ont demandé avec de la lumière dans le regard, s’ils pouvaient être figurants dans un de mes prochains spectacles !
Oui, écrire est un acte de vie, un « outil » formidable de rencontre de l’autre, et peu importe de quel côté d’une porte celui-ci se trouve !
Elisabeth BOURGOIS
POURQUOI ECRIRE ?
On prend un stylo ou l’on pose les doigts sur un clavier. Pour qui ? Pour quoi ?
Pour soi-même, pour les autres. Pour raconter, convaincre, faire rire ou rêver. Faire pleurer ou témoigner. Pour mettre des mots sur une pensée, un souvenir, quelque chose de précis ou une sensation fugace.
Ce n’est pas sans danger.
Vis-à-vis de soi-même. Ce qui n’était parfois que brume est inscrit là sous les yeux. Il est des choses intérieures qu’on voudrait ne pas voir.
Vis-à-vis des autres. Ce sont « Les oiseaux déguisés » d’Aragon. Derrière une fiction, un personnage, un dialogue, on devine malgré le voile « la douleur dont est brisé » celui qui a écrit.
De là vient parfois que certains qui écrivent se parent d’une armure. Et c’est alors la comédie humaine. La rivalité sans raison, l’autosatisfaction déraisonnable, la crainte haineuse du voisin de salon, les mots durs, les colères tremblantes.
Mais le plaisir d’écrire, mais le bonheur du mot juste, mais l’idée
qui surgit le matin au réveil et qui va faire son jour, courir sur un papier.
Alors l’effort d’écrire, alors la phrase qu’on arrache au néant, celle qu’on rature, qu’on efface, qu’on allège, qu’on cisèle … Et un jour tenant son livre entre ses mains, se dire « c’est mon enfant ; il vient de moi mais déjà il ne m’appartient plus » et l’offrir à la vie.
Et écrire alors c’est vivre.
Jean-François ROUSSEL