des punks à l’assaut d’un classique du jeu de dés
Le killer, jeu de combat à 5 dés, est un classique du genre. Le but ? Obtenir un lancer statistiquement le plus extrême possible (soit une somme des dés entre
5 et 11 ou 24 et 30), pour blesser un adversaire au choix en lui faisant perdre des points de vie sur un total défini au départ.
Phileas, animateur à la Maison de quartier de Wazemmes, et Romig, graphiste punk, se rencontrent aux Beaux-Arts de Tourcoing. Ils décident à l’été 2017 de dépoussiérer ce jeu sympathique mais limité : ils l’enrichissent d’une galerie de personnages prédéfinis que chaque joueur pioche au hasard au début de la partie. Le killer s’agrémente alors de cartes, illustrées par Philéas et Romig dans un style combat de rue trash. On y retrouve des personnages hauts en couleurs comme Le lépreux, L’ivrogne, La mécano, Le fossoyeur ou La grosse brute.
S’y ajoutent des cartes événements bouleversant le cours du jeu comme La grosse biture, Les Lacrymos, La routine ou La lèpre. Mais aussi plus d’une centaine de cartes «baston» aux noms évocateurs, permettant de modifier les jets des dés ou de se protéger, tels La magouille, L’opportuniste, Le pigivirate ou le Bouffe tes dents !
Si certaines cartes sont multiples, elles n’en demeurent pas moins illustrées chacune par une illustration propre : une rareté, rendant ce jeu encore plus singulier. Ce qui fait kiffer le duo, c’est de dessiner des cartes. Avec plus de 160 illustrations uniques, ils seront servis.
Phileas et Romig testent sans relâche le jeu, affinent ses règles, peaufinent et «nettoient» les illustrations pour que leur rendu imprimé soit à la hauteur du travail investi. Sauf que Romig déménage à Berlin quelques semaines plus tard, où il officie depuis dans le milieu du fanzinat et du DIY (do it yourself ou autoproduction). D.E.D. Zine, sa structure de création et d’impression de vêtements sérigraphiés, posters et ouvrages sur le milieu underground du fanzinat y trouve un terrain fertile à son expansion.
Les rencontres entre les deux compères se font plus rares et le projet de lancer une campagne de crowdfunding pour financer le jeu, renommé Sordid Street Killer, s’éloigne de plus en plus. Le covid et ses confinements fourniront l’élan nécessaire à la finalisation du projet 5 ans plus tard, à l’été 2022, sur la plate forme de financement participatif KissKissBankBank .
L’objectif atteint permet alors l’impression -française- d’une petite centaine d’exemplaires. Le montage des boîtes est réalisé à la main par ses créateurs. Une version limitée de luxe, de toute beauté, dans une boîte en bois pyrogravée, avec des dés rouge sang, est accessible aux contributeurs. 18 exemplaires numérotés seront produits.
Romig et Philéas se permettent même de revenir un an plus tard en 2023 avec une nouvelle campagne pour une extension au jeu initial, apportant des cartes événements, personnages et bastons supplémentaires. Au delà du pur plaisir graphique de découvrir les illustrations des cartes, Sordid Street Killer est un jeu qui donne une variété ludique et un univers visuel original à ce qui n’était qu’un bête jeu de hasard. Ou comment transformer une chance en une véritable opportunité artistique…
Xavier Lancel