Chroniques du Vieux-Lille

Suite potagère haute en couleurs à la Citadelle
  • Une chronique sur un air de partage et de transition écologique…

Ah les jardins les jardins
Jardins partagés
Jardins potagers
Jardins des potes à Gégé
Jardins des potes âgés
Potaches haies

JARDINS

Et jardins de Jean le pote ours chenu encore très vert, coach des écureuils roux et noirs, oeuvrant dans les vergers aux multiples couleurs, immense pote en ciel (bleu ?)
cultivant légumes verts, rouges, jaunes et végétation florale, le pote aux roses, toujours sur des chardons ardents, adepte des braseros, le pote au feu, bon buveur mais jamais ivre, le pote i rond, et pas vénal, pas le pot de vin…

En un temps pas si lointain, les terres entourant la Citadelle et jouxtant les remparts appartenaient à l’armée et s’avéraient inconstructibles pour motifs de défense. Portant de modestes habitations destructibles d’un tir de canon, rachetées au fil des ans par les patrons et la municipalité, ces terres furent baptisées «jardins ouvriers» puis « familiaux », »collaboratifs », désormais « partagés ». Le glissement sémantique de l’adjectif n’est pas anodin. Les ouvriers aux journées chargées, 10 à 12 heures de taf quotidien, femmes et mouflets dès l’âge tendre assuraient, grâce à ces terrains, un complément alimentaire aux ménages de frêles constitution et de maigres ressources. L’adolescence n’existait pas en ces temps rudes de Lille qui fut industrielle, mais qui s’en souvient ? Chacun y trouvait son compte. Le patronat, dans sa patriarcale bonté, encourageait par un geste charitable une occupation saine, délassante. Les jardins participaient d’une certaine paix sociale. La quasi disparition du prolétariat et la quasi extinction des familles nombreuses ont changé la donne.

Désormais l’espace se répartit par moitié entre jardins privés et jardins municipaux. Collectifs pour un tiers de la superficie ou loués à des particuliers, les jardins familiaux de la Citadelle sur la rive ouest de la Deûle relèvent du quartier Vauban. Les jardins de la Poterne sur la rive est, séparés de quatre petits mètres, relèvent du Vieux-Lille, tous sous la houlette du service Nature en Ville.

À quand une statue ou une arche rendant hommage à l’abbé Le Mire, père audomarois de la création des jardins ? Il oeuvra très chrétiennement dans les années 1893 pour la limitation de la journée de travail des femmes et des enfants, la disparition de l’impôt foncier pour les cultivateurs, l’abolition de la
peine de mort et l’instauration du congé dominical. Miracle bucolique, de Roubaix à Bordeaux, de Lille à Poitiers, les jardins de se multiplier comme les pains dans le nourricier récit biblique. Pas de mention de la multiplication du vin ni de la plantation de vignes que Lille a pourtant connues sur les bords de la Deûle pendant le HautMoyen-Âge, suite à …un réchauffement climatique. Et une étymologie possible pour notre bonne dame de La Treille, en latin « triola ». Le creusement du canal à grand gabarit en 1978 porta un rude coup à cet espace et envoya par le fond quelques infortunés terrains.

Il en va du désir de jardins comme du désir tout court : on s’engoue, on s’ emballe, on attend fiévreusement (la liste des prétendants est longue) puis les intensités chutent. Suivent désaffection, et, parfois, retour de flamme. Inflation, pollution, besoin de socialisation, de respiration, quête d’un moment de retrouvailles avec soi, appoint financier et consommation des produits sains fournissent un combustible inattendu à ce regain d’affection horticole.

Aux jardins collectifs des joyeux poteaux, on s’y détend beaucoup, on s’y amuse aussi mais on ne rigole pas avec les règles.

Règle n°1 : s’engager sur une disponibilité de temps
Règle n°2 : respecter la règle n° 1
Règle n°3 : mettre les mains dans la glaise, avec ou sans gants
Règle n°4 : agir dans le cadre collectif
Règle n°5 : participer à la mise en œuvre d’actions communes en lien avec les thématiques culturelles d’une charte conclue avec la Ville. À l’automne 2020 les Nanitos , petits bonshommes imaginés par le plasticien Fourtoux, attirèrent foule en ces lieux.
Règle n° 6 : habiter Lille et restituer le terrain en cas de départ

D’une superficie variant de de 80 à 400 m² pour les plus anciens, les jardins connaissent discussions passionnées et échanges parfois vifs. Du stockage des précipitations au choix des plantes, les propositions abondent : légumes économes en arrosage, tomates, haricots, salades en haut du hit parade, maïs hydrophage déconseillé, cannabis interdit. Le paillage et le creusement d’une réserve au pied des plants limitent l’évaporation. L’eau, la vie des jardins et la vie tout court, défend opiniâtrement sa peau. La fonction nourricière a cédé le terrain à l’agrément et à la pédagogie. Les minots des écoles encadrés par leurs parents découvrent les rudiments de la permaculture,(économie d’eau et déchet zéro). Les ateliers du samedi après-midi initient petits et grands aux joies du sarclage et à la fabrication d’engrais naturels : branches de haies, feuilles, foin… Ils boostent les fleurs, les rosiers mellifères offerts par Nature en ville et assurent aux légumes (courgettes, cornichons et concombres) des proportions rocco-siffrédiennes.

Les jardins s‘avèrent suspendus entre réel, réglementation et utopie avec l’aménagement d’une mare qui développe le biotope. Des bords reconfigurés en pente douce facilitent l’accès, évitent la noyade et permettent le bain aux choupissons, nom si doux et sans piquants donné aux attendrissants bébés hérissons.
Creuse une mare et tu verras rappliquer libellules, têtards, gernoulles, escargots d’eau, crapauds de terre, écureuils-totems et une ribambelle d’oiseaux : mésanges bleues, mésanges blanches et chardonnerts à croupion jaune… Sur la pelouse de ton HLM, sur la friche voisine qui se mortifie étouffée dans le nœud des autoroutes, dans touts les lieux abandonnés de la ville où ils abondent, retrousse tes manches ! N’hésite pas à te mouiller, creuse, embauche les Maxitos, les géants débonnaires d’UTOPIA ! La ville vit aussi de ses rêves et sait s’affranchir de la légalité.

La tour de contrôle de l’écluse du Grand Carré se dresse comme un blanc et majestueux totem qui veille sur les terrains.
Il préside à la circulation des bateaux, passage obligé pour les péniches venues en amont du sud-ouest par Liévin et Don, croisant celles arrivant en aval du nord-est par Deûlémont et Quesnoy sur Deûle.
Emme eut maille à partir avec les Voies Navigables de France à cause d’un stationnement intempestif à l’entrée du chemin de halage qui jouxte l’écluse.  Fourrière, échange d’abord musclé avec l’éclusier puis très amène : Emme bossait à l’époque avec la structure. Emme découvrit que VNF formait un État dans l’État usant du droit régalien de fixer le montant d’une amende. Un entretien avec le service Formation lui valut grâce.
Le chroniqueur n’est pas qu’un spectateur ou un voyeur : il dit un lien, souvent convivial, parfois conflictuel, qu’il entretient avec le gens et les lieux qu’il met en scène. Gourmand de rencontres et gourmet d’écritures, il ne passe pas pour autant les plats.

Au collectif se côtoient femmes, Françoise, Yuphin, Babette, Audrey et Océane… et hommes dans la même proportion, jardinage rime avec partage et compagnonnage. Les auberges espagnoles fleurissent en toutes saisons arrosées à l’eau de vie de poire maison qui titre ses cinquante degrés parfumés : aucune noyade dans la mare, aucun coma éthylique à déplorer, les jardins savent gérer la convivialité.
Curieusement, municipaux ou privés, les jardins souvent mitoyens, vivent une même passion mais ne se mêlent pas ! Le partage, compétence managériale de
nos jours très prisée, ne coule pas de source sur les bords de la Deûle.

  • Emme, inspiré par les 170 ans de la création du P’tit Quinquin et membre du jury du prix DESROUSSEAUX, pastiche Alexandre le papa éponyme .
  • « Qui au sortir de l’usine »
  • « Au retour de la mine »
  • « Son petit lopin jardine »
  • « Ses poumons noircis vitamine »
  • « Épargne aux siens dures famines »
  • « Ne tate point de la chopine »
  • « Fréquente ni syndicats ni gourgandine» 
  • « Pour sa place en paradis turbine»
  • « Garde sourire et bonne mine »

Alors, en ce siècle bien entamé, déchristianisé, désyndicalisé qui voit la planète cramer, la ville s’effondrer, s’embraser et la mer submerger, les jardins ! Ah les jardins …! Un des derniers lieux îlots aménitaires de fraîcheur, de solidarités et de sérénité chlorophylisées dans le tumulte asphyxié de la ville ?

Ne tournons pas autour du pot, disons les parcelles comme elles sont. Elles ont parfois enduré l’amputation, elles ont souffert, manque de pot, il s’y passe toujours quelque chose, ce n’est pas le calme plat, le pot au noir. Jean l’incassable pote à tout faire et Bernard octogénaire, dont cinquante ans aux jardins, le pote en fer (inoxydable) et non en terre, iront-il en paradis ? Et FX aux initiales d’agent secret ? Et Mathieu ? Et la sympathique tribu des manieurs de bêches, pousseurs de râteaux, aménageurs de mares et zélateurs de la pelle, plutôt plantée que roulée, itou ?
Ce serait fin méritée et digne apothéose !

Michel L’Oustalot

A déposer à l’entrée des jardins partagés à la hauteur de la passerelle République, entre l’avenue Henri Delecaux à Lambersart et le bois de Boulogne, en longeant la Deûle côté écluse…Châtaignes, noisettes, noix non décortiquées, graines bienvenues. Marrons, glands, cacahuettes et breuvages alcoolisés proscrits.
Contact : jean.jardin.citadelle@gmail.com

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