Lille et sa Grand-Place sont indissociables. Avec ses monuments, ses façades historiques, la Grand-Place
est à la fois l’image touristique de la ville et le témoignage du siècle d’Histoire qui s’y est écoulé.
Les premiers documents attestant de l’existence de Lille datent du début du XIe siècle. En 1054, Henri III, empereur des Romains, assiège le Castrum Islense » (château de Lille) de Beaudoin V, comte de Flandres. En 1066, la Charte de la Collégiale Saint Pierre nous renseigne sur la ville du moyen-âge. La Lille primitive, comme son nom l’indique, est une île protégée de tous côtés par la Deûle et ses fossés. Ce qui explique sa naissance, c’est le croisement, à cet endroit, des voies terrestres et maritimes. La route entre le Sud (Artois, région Parisienne) et la Flandre maritime franchit la Deûle au moyen d’un pont situé au niveau de l’actuelle église Saint-Maurice. Le commerce d’alors emprunte surtout les voies fluviales.
Lille est le lieu de jonction de deux réseaux de niveaux différents : la Haute et la Basse-Deûle. Ainsi l’Europe du Sud et celle du Nord vont-elles pouvoir commercer à travers ce passage obligé. Le transbordement des marchandises (grains, vin, sel, étoffes) entre les deux ports (actuellement quai du Wault et avenue du Peuple Belge) est l’une des raisons du développement spectaculaire de cette ville, Isla, puis Lille, devenue bientôt l’une des capitales des Flandres.La Grand-Place va être un lieu d’échange commercial renommé dans l’Europe entière. C’est là que vont se croiser des commerçants venus de partout (anglais, gallois, flamands du Nord, castillans, catalans, italiens, français). On peut y acheter – ou vendre – des grains, du vin, du sel, des cuirs… Lille est aussi renommée pour son savoir–faire. Les teinturiers et tisserands produisent les draps les plus prisés de l’Europe du Nord.
La place du Marché est beaucoup plus grande que la Grand-Place d’aujourd’hui. Au milieu, sont érigées une chapelle (la chapelle des Ardents) et une fontaine (la fontaine au Change), l’ancêtre de la Bourse où, en plein air, s’effectuent les transactions financières. La place accueille aussi les tournois opposant les chevaliers les plus intrépides.
Les maisons de l’époque sont en bois avec un toit de chaume. Au XVIe siècle, le Magistrat, soucieux d’éviter les incendies, impose de nouvelles normes de construction. Désormais, les maisons doivent adopter la brique, le grès ou la pierre. Progressivement, elles vont remplacer les anciennes. Ce n’est pourtant qu’au XVIIe siècle que la place va adopter une configuration proche de celle d’aujourd’hui. Au début des années 1650, les Echevins lillois obtiennent l’autorisation d’édifier une bourse de commerce. Le nouveau bâtiment est construit au beau milieu de la place du marché et va la couper en deux. D’un côté, la petite place (où se trouve l’actuel opéra), de l’autre… la grande place ! C’est de là que vient son nom, « Grand-Place » qu’elle va garder jusqu’à nos jours. Le plan du nouvel édifice est confié à Julien Destré. Les travaux seront réalisés rapidement, de 1652 à 1653. Pourtant, il s’agit d’un bâtiment remarquable qui va changer la physionomie du centre-ville et contribuer pour des siècles à l’identité de la capitale des Flandres. Cette bourse est un lieu d’échanges et de commerce, mais c’est aussi un programme immobilier. Elle est formée de 24 copropriétés mitoyennes. C’est l’ancêtre de nos galeries marchandes d’aujourd’hui. Pour la ville, c’est surtout une opération immobilière, apte à améliorer ses finances. Grâce à des rénovations successives, ce bâtiment n’a guère changé aujourd’hui. La place est un lieu touristique plébiscité par de nombreux visiteurs étrangers. En 1792, l’église Saint-Étienne, l’un des fleurons de ce lieu historique est ruinée par le bombardement des Autrichiens qui font le siège de la ville. Elle ne sera jamais reconstruite.
C’est de cet épisode que va naître l’un des symboles de cette Grand-Place, la statue de la Déesse, d’où son autre nom : « place de la Déesse » Cette dernière célèbre la résistance héroïque des révolutionnaires lillois face aux Impériaux. La Grand-Place, au cours des siècles, a toujours été le lieu où les Lillois ont aimé faire société. Les marchés, les foires, les fêtes traditionnelles, les processions religieuses, les défilés de Géants, le Carnaval, trouvaient leur point d’orgue sur cette place. Au début du XXe siècle, malgré le départ de l’Hôtel-de-Ville dans un autre quartier, la place garde cette dimension symbolique d’expression de l’identité lilloise. Beaucoup soulignent que la Braderie du mois de septembre, unique en Europe, est une survivance des grandes foires du passé. Comme jadis, on y pratique le commerce comme en atteste le Furet du Nord, la plus grande librairie d’Europe ou les boutiques et restaurants. Les Lillois sont très attachés au cœur de leur cité. Depuis septembre 1944, le lieu s’appelle officiellement « place du général de Gaulle ».
Le Grand homme est né à quelques hectomètres de l’endroit. Toute sa vie il aura gardé des habitudes dans le quartier. Mais beaucoup de Lillois, continuent à l’appeler la « Grand-Place », comme au bon vieux temps de l’année 1653.
Alain Cadet