Code 1312

Si on regarde rapidos, c’est un nombre. Si on se prend pour Fibonacci, ce sont des entiers, mais ça tient pas longtemps. Si on sait, c’est un code. Le 1, 1ère lettre de l’alphabet, le 3, 3ème… et ainsi de suite.

3 5 2019, cette date est celle de la réponse d’un pirate. On respire, on sourit, il en reste, et la façade du Flow en a fait l’expérience cette nuit du 3 mai avec un énorme ACAB jaune fluo craché depuis un extincteur bien bourrin.

Le code, 1312, est la réponse des initiés, et il se fond dans une suite de chiffres que seuls ceux qui savent peuvent traduire. Bienvenus. On respire, on sourit, la censure trouve ses limites.

La fresque peinte par le collectif Tlacolulok sur le mur qui fait face au Flow est une commande, rapport au festival Eldorado. Mais voilà, on institutionnalise l’art pirate de rue, on le réfléchit, on le valide ou pas, on décide de ce qui peut recouvrir les nombreuses masses grisâtres de Lille, et le truc vous claque entre les doigts parce que vous n’êtes pas allés au bout de la démarche de contrôle, et que vous n’avez pas pris la peine de laisser le brouillon vous fracasser l’œil. Des choses qui arrivent. Tant mieux. Voilà comment on se retrouve à la jonction entre ce qu’on veut empêcher, ce qu’on permet, et ce qui se fait sans attendre d’autorisation.
Des pirates, il en reste, qui continuent de signer les murs à la pointe de leurs bombes. Faut reconnaître qu’ils sont pas nombreux à conserver le culot, l’arrogance, l’insolence, l’impertinence qui comptent parmi les piliers de l’art, et que le peu qui reste est vite rayé de la carte par les services municipaux particulièrement efficaces. Pour écraser la rébellion, on a créé le street art. Fourre-tout. Et l’art dans la rue supplante l’art de rue. Pourtant, on observe ce qui se passe sur le béton, à l’affût des créateurs, et on attend de savoir quand on pourra enfermer tout ça dans un musée ou proposer des visites guidées payantes pour admirer depuis les trottoirs des expositions de décisions. J’veux pas qu’on décide pour moi. J’veux me laisser surprendre au détour d’une balade, me retrouver face à un graff, un collage, un pochoir ou n’importe quoi d’autre qui me clouera les pieds au sol, me tabassera le cœur, et me laissera repartir avec un cocard. C’est la quête de la claque et de la déception, celle qui fait peur, autant que l’essai et l’erreur.

Maîtriser l’expression libre, oxymore qui permet le règne du gris en offrant quelques briques aux adoubés. Paradoxe qui devient jouissif quand une œuvre choisie fait trembler ceux qui se sentent visés et ceux qui voient leur chaise de bureau se transformer en siège éjectable. La réponse par le vide, et on efface, encore. C’est sans compter sur les derniers que la nuit n’effraient pas, et qui ont dans leur arsenal de pirate un Posca, une bombe, ou un extincteur bien bourrin.

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