Quel avenir pour le bazar de wazemmes ?

Malgré sa fermeture depuis 8 années,

le souvenir du Bazar de Wazemmes reste ancré dans la mémoire de milliers de clients et notamment des amoureux qui ont déposé pendant des dizaines d’année leur liste de mariage.

Cet univers où l’on venait acheter l’introuvable, était devenu une institution dont la renommée dépassait la Métropole lilloise. C’était un vrai palais des surprises avec son majestueux escalier à double révolution pour atteindre l’étage supérieur.

« L’esprit bazar » était dans le choix très étendu des produits. On trouvait tout, de la dosette à Ricard, du canif, de la bassine, de la gamelle de chantier à la porcelaine de Limoges ou à l’argenterie Christofle ; du produit le moins cher aux collections les plus onéreuses. Et puis, il y avait cette ambiance familiale et bon enfant maintenue pendant  4 générations.

En 1921, M. Ghislain et Mme Marie Jacqmart créent le magasin rue Gambetta sous l’appellation « Bazar G Jacqmart ». Leurs descendants poursuivront la saga pendant 85 ans ! Raymond et Renée Jacqmart, les deux enfants des fondateurs, puis les trois petits enfants…. La 4ème génération suit avec Corinne Tavernier-Marchisio en 1989 ;  Marylène Dujardin-Jacqmart, Christine Dupire-Jacqmart, Jacques Gattano et Carole Douet-Jacqmart en 1994. Les héritiers participent à toutes les tâches. On les voit enregistrer à la caisse, emballer un cadeau, préparer les vitrines…. André Jacqmart est souvent en blouse grise à l’entrée, Jacques Gattano qui a épousé sa fille est au fond du magasin, l’arrière-petite-fille est à l’étage pour les listes de mariage…. Hélas, personne ne souhaitant continuer cette belle aventure et compte tenu de l’importance des frais de rénovation, les époux Gattano décident en 2006 de vendre.

La décision en 2006 de fermer le Bazar est un
coup de tonnerre.

0n comprend que l’ensemble du monde politique et économique s’intéresse à la reprise. Mais, personne n’aurait pu imaginer que le magasin 9 années plus tard serait encore une friche commerciale !

Cette histoire débuta en 1912 avec l’ouverture, par Ghislain et Marie JACQMART,  d’un magasin à l’enseigne G.JACQMART, dans la rue Victor Hugo à Houplines.

La saga de la vente

La vente de l’immeuble

traîne un peu vu l’importance des travaux de mise aux normes. Le nom du promoteur M. Denis Patout est évoqué, puis celui de l’investisseur M. François Burette. À cette époque, l’augmentation des surfaces bancaires n’est pas populaire ! BNP- Paribas s’installe Place du Général de Gaulle à la place de Décat (prix : 7 millions, trop cher pour préempter !) ; la rue Gambetta devient la rue des banques …  Le Directeur Général des services de la Mairie, M. Jean-Marc Germain, déclare que la Mairie surveille la vente du Bazar de Wazemmes et attend une commercialisation pertinente au regard de son plan d’action pour le commerce.  Les négociations avancent. Un accord entre l’investisseur M. Burette et le Crédit Mutuel sur une partie de la surface se précise en 2007.

Suite à la connaissance du compromis de vente, la mairie prend une décision rare : elle préempte l’immeuble en Janvier 2008 au prix de 2,1millions d’€, valeur agréée par le service du Domaine. M. François Burette, dénonçant un coup de pub électoral, conteste aussitôt cette préemption devant le Tribunal Administratif de Lille.

M. Pierre de Saintignon justifie cette décision : « On ne pouvait pas faire autrement ; l’investisseur n’a pas voulu de notre gentleman agreement…Nous sommes donc partis en procédure pour donner un signe fort contre la bancarisation du centre-ville…..On est à la limite du droit mais il faut parfois avoir le courage d’aller jusque devant les tribunaux pour faire valoir un point de vue ». Compte tenu des délais, la décision de préempter a été rapide. L’Adjoint au commerce M. Jacques Mutez n’est pas dans la confidence ; il juge la décision courageuse mais hasardeuse. Les Verts sont satisfaits et « sont heureux que la majorité municipale (dont ils font partie…) les rejoigne sur la nécessité de résister à la bancarisation du Centre ». Les élus votent à l’unanimité la préemption, les élections municipales sont dans deux mois….La décision est importante car elle pourra être un exemple pour d’autres villes victimes de cette bancarisation.

En revanche, les projets d’aménagement sont peu précis. Jean-Marc Germain, le Directeur Général, annonce :

…« nous souhaitons la complémentarité… ». Pierre de Saintignon, dans l’attente de la procédure, est plus prudent : «  le résultat est incertain, mais si jamais notre préemption était confirmée, nous aurions une très belle offre à faire aux Lillois avec une enseigne qui s’inscrirait dans la même lignée que le Bazar… ».  Chacun, pourtant, a son projet : installation d’une école de musique, d’un cinéma ; les libraires et éditeurs indépendants proposent d’ouvrir un centre avec salle de conférence, un restaurant….
En juillet 2010, belle nouvelle ! Le tribunal Administre valide la préemption en retenant les motifs d’intérêt général évoqués par la Ville de Lille! À cette époque, la Mairie a une proposition  d’une chaîne de bricolage. Mais tenace, M. Burette fait appel et trouve la faille : selon une délibération municipale de 2001, la compétence du Maire en matière de préemption ne pouvait excéder 5 millions de francs, soit 762.245 €. La préemption du Bazar de Wazemmes d’un montant de 2,1millions d’€ ne pouvait donc être votée ! Et, la Cour d’appel de Douai annule  la décision de préemption pour vice de forme en Février 2012 !! M. Gérard Dumont, Directeur Général des services qui a succédé à Jean-Marc Germain en 2008,  reconnait « une bavure », le jugement ne remettant pas en cause le fond. Février 2012, on pense que l’affaire va être vite terminée. L’Adjoint au commerce de l’époque (Nord Eclair du 3 avril 2013) annonce : « on va donner à M. Burette nos contacts…le dossier sera bouclé avant l’été » C’est vrai que le 3 avril se situe deux  jours après le 1er Avril !
Dénouement : Le 2 Juillet 2015, plus de trois ans après l’arrêt de la Cour d’appel de Douai,  le Conseil Municipal autorise la vente du Bazar de Wazemmes à la société de M. Burette au prix de 2 millions d’€.

Réflexions

Trois années après la décision de la Cour d’appel ont encore été nécessaires pour trouver un accord avec M. Burette…
Il est vrai que les temps ont changé : le Crédit Mutuel s’est installé à côté du Bazar, les banques ferment des agences. Des magasins, rideau fermé, dans la même rue Gambetta appartenant au groupe de M. Burette comme « Esprit de Marque » « De Schutter » attendent toujours une reprise… Le nombre de grandes surfaces « libres à la location » sont importantes à Lille : les Galeries Lafayette, Surcouf rue du Molinel, le Plaza rue Nationale, le sous- sol d’Eurodif à côté de la Chambre de commerce qui va aussi ouvrir une galerie commerciale, les emplacements dans la galerie des Tanneurs…Bref, il faut être imaginatif ou viser le long terme pour acquérir des surfaces commerciales…. On peut donc s’interroger sur les intentions de M. Burette. Les ressources municipales contrairement à 2008 sont plus que limitées et le retour de 2 millions malgré la perte n’est pas négligeable…

Conclusion

C’est une triste affaire. La décision fondée et courageuse de 2008 a été gâchée par une « bavure » inadmissible du ou des « conseillers financiers et juridiques » du Maire. Cette préemption qui devait être un exemple est un fiasco qui a coûté cher au dynamisme du quartier. Reste à attendre la suite…. Un Burger King ?  Un espace ludique ? Le plus simple est d’attendre l’information de M. Burette lui-même. Peut-être, contactera-t-il la Gazette ?

2008, l’année des « bavures » ?
La bavure n’est pas l’apanage d’une Mairie socialiste ! Le premier investisseur dont a parlé la Presse lors de la vente du Bazar, M. Denis Patout, a causé les mêmes problèmes à la Mairie de droite du Touquet. En 2008, la ville du Touquet a préempté un immeuble pour installer son Office du Tourisme. La société de M. Patout, évincée, a contesté la préemption ! Et elle a aussi gagné devant le Tribunal pour un vice de forme : la délibération municipale n’avait pas été publiée deux fois comme le prévoit la loi… «Une bavure »Résultat : la vente a été annulée et la Mairie a du louer l’immeuble à la société de M. Patout. Moralité : la difficulté pour un élu de choisir ses proches conseillers en dehors des sphères militantes…. De telles erreurs conduiraient une PME au dépôt de bilan !

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