Alors que nos tables historiques du centre-ville de Lille ferment les unes après les autres (Chez Alcide récemment après L’Huitrière et Aux Moules), l’irréductible Pierrot passe en douceur les rênes de la Marmite, car on ne change pas une équipe qui gagne !
Sandriiiiii iinnnnnneee !!! C’est la voix tonitruante du gargantuesque Pierre Coucke dit Pierrot de Lille, 69 ans, 50 ans de métier qui appelle sa fidèle chef de salle. Personnage du Nord et homme au grand cœur pour ceux qui le connaissent.
Je veux que l’institution
de la Marmite
reste, préserver l’équipe
et garder l’esprit »
Pierrot.
C’est fait, la Marmite est vendue. 130 couverts et « la même équipe depuis 14 ans », la fierté de Pierrot. Mais rassurez-vous, la transmission se fera en douceur et la cochonnaille sera bien gardée. « J’ai eu plusieurs propositions d’achat, mais ils ne voulaient pas garder l’équipe ». Alors, à l’instar de Clément Marot dans son restaurant, Pierrot à patiemment mijoté la suite pour confier les rênes de l’établissement à deux amis. Deux têtes bien connues de la clientèle, pour un mariage professionnel à la clé. Les heureux élus : Sandrine Lemaire, la directrice de la salle et Frédéric Vervisch, fidèle client.
Une histoire d’amitié
« Je suis tombé amoureux de la Marmite, de la table, de l’ambiance. Avec Pierrot, c’est franc du collier, soit c’est oui, soit c’est non ! C’est devenu une histoire d’amitié. On se fait confiance » nous raconte Fred, l’un des deux associés. « La perte de L’Huitrière, de l’Alcide… ça fait mal, je veux garder notre patrimoine et que Pierrot reste ! ». Le mot est lâché. Car oui, l’idée est bien là : On ne change pas une équipe qui gagne. « Avec Sandrine, on s’inscrit dans la continuité. Que les clients viennent prendre le même plaisir !»
On prend les mêmes et on recommence. Ainsi, vous pourrez toujours croiser Pierrot à la Marmite et venir déguster les Moules du Mont Saint-Michel (fraichement arrivées) et les fameuse crêpes Suzette. Goutez-moi ça !
Adresse : La Marmite de Pierrot – 93, Rue Poincaré, Capinghem
03 20 92 12 41
Pierrot de Lille
- 1948 : Naissance à Roubaix
- 1960 : Ses parents reprennent La Belle Siska
à Steenbecque - 1977 : 1er restaurant, le Bistrot de Pierrot à Lille
- 1981 : la Taverne
à Hazebrouck - 1993 : « Goutez moi ça » émission culinaire sur France 3 Nord-pas de Calais.
- 2003 : la Marmite de Pierrot à Capinghem
Eh ben, Jenny, goûtez moi ça !
Qui n’a pas connu Pierrot a raté une bonne occasion de connaître la véritable cuisine, celle des Flamandes bien en chair et des Flamands ventripotents, celle qui s’accroche à l’estomac, la roborative, la copieuse, celle d’une région accueillante et conviviale.
Dans les années 90, à l’heure de la sieste, apparaissait à la télévision un homme bien bâti, solide, à l’accent rocailleux des Flandres qui expliquait à une petite dame aux cheveux blancs comment faire la cuisine qui plaît aux hommes.
C’était Jenny Cléve, passionnée, hypnotisée, au septième ciel quand Pierrot lui tendait l’assiette et lui susurrait, « Eh ben, jenny, goûtez moi ça » et Jenny, gourmande, lui répondait :
Et avec ça, Pierrot qu’est-ce-qu’on boit ?
Scotché à l’écran j’en bavais de gourmandise. La France épicurienne avait découvert sa nouvelle star, Pierrot de Lille. Et puis je l’ai connu en chair et en os, plus de chair que d’os d’ailleurs, mais peu importe, l’homme en impose. Excessif en tout, à table comme en amitié !
Tonitruant, bruyant, gargantuesque, pantagruélique, mais si attendrissant, quand il vous parle de sa tête de veau, de ses tripes, des andouillettes de son ami charcutier, de la viande qu’il choisit lui même amoureusement.
Un jour, il nous annonça, à la fin du repas, qu’il passait la main mais qu’il laissait la maison à des amis de confiance. Il s’arrête, après cinquante ans de passion, pour vivre heureux, prés du monts des Cats, à l’ombre de la cordillère des Flandres pour choyer ses bons gros boulonnais qui en piaffent déjà de plaisir, son chat et son chien. Mais je le connais, il ne pourra pas s’empêcher de revenir en invité, pour être sûr de bien manger et boire un coup avec sa bande de copains, parce qu’il connaît la maison.