Une longue nuit de quatre ans qui commence… Mardi 1er septembre 1914, Charles Delesalle, maire de Lille,
informe ses concitoyens : Un émissaire du Général Allemand est venu de Lens pour m’annoncer l’arrivée d’un important corps de troupe qui occupera notre ville et ses forts à partir de demain.
« Chers concitoyens, gardez votre calme »
à cette époque Lille comptait prés de 220. 000 habitants enfermés dans ses vieux remparts. Déclarée ville ouverte depuis le 1er août, l’État major quitte la ville le 24. Les réfugiés belges qui avaient raconté les atrocités que les troupes allemandes avaient fait subir aux civils ont semé la panique dans la population. Et le 2 septembre, vers une heure de l’après midi, 30 véhicules de l’armée allemande envahissent la cour de la mairie. La préfecture est occupée. Le commandant allemand Von Oppel dicte ses ordres, ils sont humiliants : -Défense de sortir après 10 h du soir. -Les maisons devront rester allumées toute la nuit . -Les soldats allemands devront être bien logés ainsi que leurs chevaux. -Les armes confisquées. -Interdiction de faire sonner les cloches. Le 3 septembre, arrivée du 55 éme régiment de Landwehc. Le 5 septembre, on se remet à espérer; les allemands quittent brusquement la ville, les sinistres Hussards de la mort étaient déjà partis dans la nuit. Le 18 septembre, 400 soldats territoriaux français réoccupent la gare de Lille. De nouveaux flots de réfugiés arrivent de Valenciennes, d’Orchies, et de Cambrai… Le dimanche 4 octobre, le marché de Fives bat son plein quand des civils affolés annoncent le retour des Uhlans. Ils sont déjà place des Buisses. Des soldats français et des militaires alliés leur font face et les repoussent violemment. La population enthousiaste accompagne les militaires et les encourage. Un lieutenant de pompier intrépide, un certain Lebrun se saisit d’un fusil, fait le coup de feu mais il est tué près de la gare. Sur le Grand Boulevard 3 militaires et un civil sont abattus. On dénombre quelques blessés.Par vengeance les Allemands brûlent des maisons, pillent, terrorisent la population tout au long de leur fuite vers Fives.. Le 5 octobre, des batteries ennemies installées au Croisé Laroche bombardent le centre ville. Les tramways sont arrêtés par manque d’électricité. Les obus tombent sur la Grand Place, la manufacture de tabac et la rue des Pénitents. Le 9 octobre, les allemands amorcent une manœuvre d’encerclement de la ville. Le commandant De Pardieu prend le commandement du détachement de Lille. Un avion Taube allemand bombarde par erreur l’hôtel de Bretagne de la rue Inkermann, c’est l’hôtel des Postes qu’il voulait très certainement atteindre.
Le 11 octobre, nouveau et très violent bombardement. 882 maisons détruites, 1500 endommagées, un carnage : sont bombardés la rue Faidherbe, la rue des Ponts de Comines, la place du Vieux marché aux Poulets, la Gare, la rue de Paris, le boulevard de la Liberté, le parvis St Maurice, la rue de Béthune et de l’Hôpital Militaire. 2000 français et 4 canons ne pouvaient pas faire grand chose contre 40 000 teutons fanatisés et 120 canons. Le 31 octobre, les voitures et les motos sont réquisitionnées. Le 1er novembre, l’empereur Guillaume vient se rendre compte lui même du résultat des bombardements.Depuis plusieurs jours on voit passer de longues colonnes de prisonniers français et Anglais. Le 8 novembre, le marché de Wazemmes n’a pas perdu sa physionomie bon enfant. La foule, inconsciente est au rendez vous du dimanche matin. On voit beaucoup de gamins vendre du tabac et des cigarettes le long des rues. Les étals pour l’instant sont bien garnis. Le 17 novembre, les journaux réapparaissent, pas vraiment libres, mais on a quelques nouvelles d’ailleurs.
Le Bien Public imprimé à Gand, et le Bulletin de Lille sont sous le contrôle de l’armée allemande. Lille s’enfonce dans l’humiliation, la misère et la souffrance pour une longue nuit de quatre ans. Il faut passer des heures devant les centres de ravitaillement en espérant qu’il y reste quelque chose; pour ne rien arranger il gèle de plus en plus.
Et comme pour montrer que ce sont eux, les allemands qui sont les maîtres et nous les battus; tous les jours, à 14h précises, monte dans le ciel, un ballon d’observation, que les Lillois plein d’humour, baptisent le garde champêtre teuton.
Jihem