Des livres

par les Écrivains des Hauts de France
Le Marais du Diable
Gérard Demarcq-Morin
Le marais du diable
Ed. des Libertés, 310 p. – 21€

Gérard Demarcq-Morin nous offre un thriller historique à la fois captivant et rigoureux. Le tout avec la verve et l’humour qui lui siéent si bien.
C’est en 1420, peu après les dernières flèches meurtrières décochées par les Anglais à la bataille d’Azincourt, que Gérard Demarcq-Morin situe son dernier roman « Le marais du diable ».
Un thriller historique qui nous emmène dans les différentes couches de la société du bas Moyen Âge. L’occasion pour l’auteur de partager sa grande érudition autour de ces époques si troubles, et dont l’opacité, qu’elle soit institutionnelle, religieuse, familiale, sociétale, n’a d’égal que la couleur des eaux du marais de Wuldbrouck, bourg imaginaire de Flandre maritime, près de Furnes.

Que les non-initiés de l’histoire médiévale se rassurent, ce roman, nourri de nombreuses références historiques, avec un vocabulaire parfois spécifique et riche, est construit avec suffisamment de pédagogie pour le rendre accessible, et mieux encore, très captivant. La verve et l’humour de Gérard Demarcq-Morin y contribuent beaucoup.

L’ironie, l’espièglerie, l’écrivain nordiste les tissent dans l’œil « gris vert comme la couleur du marais », et la bouche fielleuse de la tiote Guyotte, jeune bossue orpheline au service de Godelieve de Ste Aldegonde, dont Gaston Van Copenolle, morgueux* missionné par le Duc de Bourgogne, doit titrer le portrait sur son lit de mort. C’est bien parce qu’elle n’a pas sa langue dans sa poche que Gaston va la prendre à son tour un temps à son service. « Oh, sieur ! Pour ce prix-là, je peux vous trouver une belle embordelée ! Dites ! Une bonne glissée pour un homme de votre âge, cela vous dirait peut-être ? »
Quant à la nonchalance et la légèreté, on les trouve chez le défroqué Folquin, un moine dont le débit de paroles est proportionnel à ce que son « meineer » veut bien lui accorder de pintes de bière. « Le gros Gringoire, rien qu’à la taille de son cul, on voit que les dents s’activent autant que les miennes. »
Il est bien tombé, l’agent secret de Philippe le Bon, Grand Duc d’Occident, en rencontrant ces deux personnages hauts en couleur. L’une connaît le marais et ses secrets les plus obscurs mieux que quiconque : ses sauvages habitants les broucaillers, affranchis de l’église, le moindre petit canal, la plus épaisse roselière, et la maîtresse vénérée de ce domaine mystérieux, Rosemonde de Ste Aldegonde, fille de Godelieve. L’autre, Folquin, connaît tout l’ordre religieux qui gravite dans cette Flandre où le diable, plus que l’Anglais ou l’Armagnac, demeure un ennemi insaisissable.
Ainsi Gaston, assisté d’iconoclastes personnages, pense pouvoir révéler l’origine de ces enfants régulièrement retrouvés morts dans les écluses des watteringues, ces canaux d’irrigation du marais. Mais d’autres découvertes, bien plus importantes et déterminantes vont voir le jour au fil du récit. Mieux que de lever le voile de brouillard qui couvre le marais du diable, Gérard Demarcq-Morin donne à percevoir ces premiers traits de lumière qui vont sortir le Moyen Âge de son obscurantisme pour très bientôt franchir la frontière d’une autre période historique : celle des Temps modernes et des Grandes Découvertes.

C’est la force de ces très bons auteurs comme Gérard Demarcq-Morin que de mêler la petite histoire à la grande, sans qu’en aucune façon ils ne trahissent l’authenticité du récit.
Ajoutons enfin que le conteur talentueux maîtrise aussi à merveille l’histoire médiévale, sa société, ses mœurs, ses institutions. De même que sa connaissance de la géographie et de la cartographie ne font que renforcer la qualité de cet ouvrage.

*Les morgueux étaient des imagiers, affiliés à la police pour croquer le portrait de personnes décédées et relevant d’enquêtes diverses.

Dominique Dachicourt


Écumes amères

Dominique Dachicourt nous propose un roman maritime situé à Boulogne et Etaples, mais aussi un regard lucide et sincère sur une époque et une société révolues.

La pension de famille de Louisette, « Au Lieu », n’est plus désormais qu’un tas de ruines. C’est ici qu’elle est née, puis a grandi dans les années 50/70. Le « Lieu » est déjà fermé depuis une vingtaine d’années. C’était peu après le naufrage dramatique d’un navire étaplois, dont les hommes fréquentaient le zinc chaque semaine, avant de partir en mer.
Mais les Etaplois n’étaient pas les seuls à se rendre régulièrement en cet endroit. Louisette se remémore alors les marins venus d’horizons différents, et qui, dans la pension de ses parents, l’ont vu grandir, s’épanouir.
A travers les différents portraits des fidèles pensionnaires de l’établissement, qu’ils soient de la marchande, de la pêche artisanale ou industrielle, l’auteur nous plonge dans une ambiance maritime aujourd’hui révolue, que ce soit à Etaples ou Boulogne.
Dominique Dachicourt, fils et petit-fils de marins, né à Etaples dans le quartier du port, ne pouvait se satisfaire d’une chronique ou d’une analyse rétrospective de la vie de ces communautés dans les années 60. En choisissant de proposer un récit romancé, il s’autorise ainsi quelques libertés pour évoquer des sujets sensibles, ceux que les hommes et femmes de cette époque et de ce milieu n’abordaient qu’avec parcimonie, ou enfouissaient sous le sceau du secret. Famille, religion, bâtardise, racisme, deuils, sexualité… Mais les thèmes n’en demeurent pas moins abordés avec pudeur et sensibilité, comme celles qui caractérisent souvent les marins derrière leur apparente rudesse.

Il est aussi question dans ce livre de cette période charnière qui amorce la mutation d’une société, qu’elle soit économique, culturelle, familiale, religieuse… L’auteur la souligne sous différents angles, qu’ils soient purement matériels comme le juke-box Wurlitzer du « Lieu », la bombe de Fly-Tox, les têtes de nègre de la marchande Coco, les footeux des terrains vagues, mais aussi à travers le blasphème de certains personnages, les rites religieux, l’émancipation de la jeunesse, l’éclatement de la famille. C’est aussi une balade sur les rivages (presque) immuables de la Côte d’Opale, de Wimereux à Berck, et même dans les fonds marins de la Manche, qui nous est ici offerte. Dans ce paysage bicolore, vert et ocre jaune, une tache rouge désignait le petit phare Armand, qui, la nuit, lançait des clins d’oeil à son grand cousin d’en face, le phare du Touquet. Le modeste édifice secoureur était noyé dans les dunes plaquées de Camiers, baignées par une lumière si vive au zénith qu’elle en éteignait les contrastes si prisés par les photographes et les artistes peintres, à l’aube ou en fin de journée.
Et qu’il s’agisse de décrire les reliefs sablonneux ou rocheux du littoral, ou les reliefs accidentés de tous ses personnages, Dominique Dachicourt le réalise avec une écriture parfois légère et souvent poétique. L’amour, il n’a jamais su le donner que dans l’obscurité, dans le secret des draps, derrière les rideaux opaques. Ou le jour, sous un épais voile de pudeur. Bien sûr qu’il l’a déjà embrassée, enlacée, fait tournoyer dans la lumière d’été. Mais c’était au temps du bonheur, des rires, de la liberté. Jamais dans le drame. Dans l’ouragan, c’est chacun à son poste, arrimé au mât de misaine. Et on ne larmoie pas. Il y a bien assez d’eau sur le pont.


Le dernier fleurt d Henri Matisse

Sœur-Jacques-Marie fut cette religieuse pétulante qui lui inspira son « chef-d’œuvre », la chapelle de Vence. De 1948 à 1951, le peintre se consacre à la réalisation des vitraux, fresques, clocher… Aragon, Picasso s’inquiètent.

Comment cette jeune dominicaine a-t-elle pu ensorceler le vieux maître ?
La guerre, la maladie, la vocation… Une série d’événements a rendu possible la complicité entre le peintre et cette religieuse : « C’est une sorte de flirt, j’aimerais écrire fleurt, comme si nous nous jetions des fleurs à la figure…», disait-il. Voici l’histoire d’une amitié improbable et merveilleuse, la rencontre qu’attendait Matisse pour récapituler en un lieu plein de lumière et de paix tout le génie de sa création.

Dominicain, le frère Philippe Verdin a publié de nombreux essais, biographies, dont Maurice Druon, Saint Pie V…

Philippe Verdin

Le dernier fleurt d’Henri Matisse
Ed du Cerf – 224p – 17€

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