Un livre sur la catastrophe survenue il y a cent ans à Moulins
Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1916, le dépôt de munitions allemand situé dans le rempart sud de Lille, au bastion des Dix-huit Ponts, explose mystérieusement. Avec 140 morts, 400 blessés, 738 maisons soufflées, 21 usines rasées dans le quartier Moulins, c’est, en France, la plus grande catastrophe civile du XXe S.
Vue plongeante sur Lille-Moulins. Des soldats canalisent les curieux sur le rempart et en contrebas sur le boulevard de Belfort. La photo est prise depuis la porte de Valenciennes, au niveau de la rue de Trévise. Le paysage lunaire est dominé par des cheminées dont celles des usines Wallaert
et Le Blan.
La maison d’édition nordiste Les Lumières de Lille publie L’Explosion des Dix-huit ponts, un AZF lillois en janvier 1916, qui, à l’occasion du 100e anniversaire de la catastrophe, fait revivre cette histoire oubliée. Curieusement, depuis un siècle, aucun autre livre n’avait tenté de faire le tour de la question. En 1916, les autorités allemandes n’avaient livré que très peu d’informations sur le sinistre et la cause de l’explosion.
Ce qu’elles en ont dit à travers les communiqués ou dans des articles publiés sous la censure, ne résiste pas à ce que l’on en sait avec le recul de l’histoire. L’armistice signé, on verra apparaître dans plusieurs ouvrages traitant de l’occupation allemande de Lille des récits témoignant de la catastrophe des Dix-huit Ponts, puis quasiment plus rien jusqu’à aujourd’hui.
Les ruines de la filature Wallaert vues de la rue Desaix quelques jours après l’explosion du 11 janvier 1916
Alain Cadet, un ancien réalisateur de films documentaires, a consulté de nombreux services d’archives et réuni de nouvelles sources iconographiques. Il a fait ainsi d’étonnantes découvertes. Une des questions centrales de son livre concerne la cause de cette explosion. Que s’est-il produit en cette nuit froide de janvier 1916 ? L’histoire gardera sans doute, pour toujours, une partie de son mystère. Mais les nouveaux documents retrouvés fragilisent ou confortent les différentes hypothèses formulées. Le travail d’Alain Cadet s’inscrit aussi dans le contexte de l’occupation par l’armée allemande de notre région. Lille sert alors de base arrière logistique pour le front allemand de l’Artois et de l’Armentièrois. Cette période est une époque douloureuse que tout le monde voudrait avoir oubliée. Cette histoire dramatique du bastion lillois permet de l’évoquer sans tabou. La catastrophe a eu aussi un impact écologique occulté, mais qui reste d’actualité.
Détail du monument, inauguré en 1928 par Roger Salengro, en souvenir des victimes de la catastrophe des Dix-huit Ponts. Ce monument se trouve à l’angle des rues de Douai et de Valenciennes.
“Il est fort possible que les causes de l’explosion de Lille et de Toulouse soit identiques. »
En effet, l’explosion de l’usine AZF de Toulouse, survenue en 2001, présente d’étonnantes similitudes avec l’événement lillois. Le livre permet non seulement de comprendre pourquoi, mais il montre qu’il est fort possible que les causes de l’explosion de Lille et de Toulouse soient identiques. Au moment où devrait s’ouvrir le troisième procès d’AZF, après 15 ans de procédures infructueuses, cette participation au débat ne passera pas inaperçue.
Des officiers allemands photographiés dans les ruines d’une des usines de Moulins. Une pratique courante de l’époque qui permettait de vendre plus facilement la photo à des journaux allemands ou des éditeurs de carte postale.
Frederic Lepinay
début décembre. Alain Cadet,
« L’Explosion des Dix-huit Ponts. »
Alain Cadet, L’Explosion des Dix-huit Ponts. Un « AZF » lillois en janvier 1916, Les Lumières de Lille. 22 €. Livre disponible en librairie et sur :