
Jean Brisy : Maître Céramiste
et créateur de lumière.
Jean, LE Jean, mais est-il plus céramiste que Sculpteur ?
J’adore ses mélanges subtils d’émaux , une science qu l’on acquiert après un long apprentissage. Mais je suis peut être influencé par cette après-midi de 1967, où j’accompagnais deux amies qui lui portaient une lettre, dans sa cave au 61 de la rue de la Monnaie. Aujourd’hui, au fond de la cour de l’Hôtel de la Monnaie, le restaurant l’Assiette du Marché, l’une des meilleures tables de Lille occupe l’espace.

Jean s’était installé dans les années 50, après un stage de poterie et céramiste à Saint Laurent les Macon puis dans une usine de Bourgogne où il a appris le métier, comme il le disait, en tournant des pots à beurre, tous identiques au rythme de trois cents par jour, éprouvant mais formateur « ça forme, et le moral, et le coup de main, disait-il, et ça rend humble».
Assez grand, sa taille et son âge m’impressionnaient. Je l’appelais Monsieur, sur une table basse, une poterie d’un rouge intense, étincelante, un rouge de comète dans un ciel d’été, ce rouge m’avait hypnotisé, « je viens de la sortir du four, me dit-il, elle vous plaît ? »
– Bien évidemment , Monsieur, je n’ai jamais vu un tel rouge… Voilà la seule conversation, hélas, que j’ai eu avec Jean, mais j’étais entré dans ce mythique lieu du vieux Lille où tout se passait, d’où l’art moderne des artistes de l’école du nord allait surgir.
Jean est né en 1924, dans une famille bourgeoise, il était le troisième d’une fratrie de cinq enfants, sa mère a commencé une carrière d’institutrice. Durant la première guerre, leur logement est bientôt réquisitionné comme hôpital ; blessé, son père y sera même soigné, lui, qui plus tard deviendra directeur du pavillon Olivier à Lille.

Très jeune, Jean montre des dispositions certaines dans le domaine artistique, il suivra des leçons de piano Tout alors le destinait à une carrière de pianiste comme son grand père paternel.
Les hasards de la vie, un changement de région pour fuir l’occupation allemande du nord de la France, le mène en 1940 chez ses grands-parents maternels, vignerons à Francueil prés de Chenonceaux. De retour à Lille, il change d’orientation : c’est alors vers l’école des Beaux Arts, dirigée à l’époque par Pierre Desrumaux. Enseignement très académique qui apportait de solides bases pour l’avenir mais peu de modernité.
1942-1945, grande période d’incertitude : il s’oriente vers la poterie et c’est la rencontre des futurs grands noms, Frézin ,Storme, Vallois, Dutour, avec lesquels il fondera en 1957 L’atelier de la Monnaie, une révolution dans le milieu culturel et artistique Lillois.
Très vite rejoint par Deronne, Jouanaud, Van Hecke, Dodeigne, Hennebelle, et Ben Bella, ils éraient tous là ! Après ce fameux stage de potier beurrier, c’est le retour au pays à Mâcon, Mons en Pévéle, d’abord. Ces années de vaches maigres et d’un inconfort certain, ne découragent pas l’ardeur de Jean et de son ami Danikowski, Le coup de pouce inattendu des premières commandes du magasin « Votre Maison »
de la rue Nationale à Lille consolident leur aventure. Des travaux d’aménagements routier éventrent une partie de leur atelier, mettant un terme provisoire en 1953 à leur première épopée…Pour laisser la place à une autre belle aventure.
En 1955, Jean s’installe au 105 de la rue Princesse qu’il partage tout un temps avec Francis Laurenge, autre céramiste, avant d’atterrir enfin au 61, de la rue de la Monnaie .
A cette époque, la rue de la Monnaie ne contenait aucun commerce de luxe, tout au contraire, c’était une vie de village, de touts petits commerces jusqu’à la place aux Oignons, qu’il appelait place au Pognon, pressentant peut être ce qu’elle deviendrait plus tard.
En 1956, les piliers du futur Atelier de la Monnaie ont déjà établi la base d’un travail en commun, en occupant les greniers d’un hôtel particulier, l’immeuble avait été transformé en biscuiterie puis abandonné.
Jihem