Les Chti’ppendale du Vieux-Lille, les Full Monty du Nord étaient nés. Une info diffusée par l’agence France Presse délencha ruée, retirages, entropie de la diffusion et le calendrier afficha des modèles européens. Gilberto, natif des Abbruzes, organisa un soutien après le tremblement de terre de 2009 à L’Aquila capitale de la province (309 morts, 1600 blessés, 65 000 réfugiés) : séance de ciné au Kino à Villeneuve d’Ascq, collecte de vêtements, dons en liquide…Dans la gratuité, la solidarité, la convivialité, la rue de la Monnaie sut se réinventer, sortir de l’échange et du flouze.
Il en a fait des émules le calendrier des commerçants. Il a marqué tant d’imaginaires, avouables on non !
Qui dira la vie de ces posters accrochés à hauteur des yeux, les effleurements des regards qui s’enhardissent, déculpabilisent, glissements progressifs du plaisir (syntagme piqué à l’ami Robe-Grillet, essayiste, écrivain et cinéaste sulfureux) et des doigts sur le carton lisse comme un épiderme. Les photos en noir et blanc combinaient mise en scène très élaborée et humour : Gilberto fléchissant sous le poids d’un énorme jambon (de Parme ?), Kémal outillé d’un triboulet, cylindre phallique qui ressemblent à une seringue et sert à msesurer la taille …des bagues. Frédéric arborait un merveilleux 12 parts pour cache-sexe (assurément goûteux), Jean-Marie portait Le Monde, le quotidien (ambitieux), au même endroit…Dévoiement de la nourriture, de la culture et de l’art, la procation au service d’une noble cause.Accrochés sur un mur ou une porte, posés à plat sur un bureau, les calendars sont des viatiques pour la traversée parfois morne et morose du quotidien, fixent le temps qui échappe, accompagnent fantasmes et désirs d’ailleurs tout au long de l’année et entretiennent l’attente d’une nouvelle cuvée.
Kémal a remisé ses outils, la rue a perdu son orfèvre. Il ne se sépare jamais d’une étonnante loupe télescopique, bijou pour évaluer les bijoux. Le 43 abrite désormais une boutique de vêtements chicos : Au bonheur de Sophie. Kémal a donné du bonheur à tant de Justine, Chloé, Juliette et Pauline ..
Retour d’Australie ou de Turquie, il siège régulièrement aux Comtes de Flandre et au Porthos, un troquet un
tantinet huppé, où il garde royalement ses quartiers. La rue de la Monnaie, désormais, porte les cicatrices des poutres jaunes, étais de métal pour maisons menacées d’effondrements, ces derniers n’ont pas épargné une des plus vieilles rues qui figurait dans la première enceinte d’Insula, la ville bâtie sur un marécage. Où sont-ils les beaux mecs, sourires étincellants, peaux luisantes, muscles saillants, imberbes ou velus, bien montés, oniriquement, onanismement, forcément bien montés ? Ils ont payé leur tribut au temps.
Être, avoir été, nostalgie : ce qu’il reste du désir tient en deux infinitifs et un substantif ! Que sont devenues les élégantes bourgeoises capiteusement parfumées, porteuses de vêtements raffinés, porte ouverte sur l’imaginaire des intimités masquées, soigneusement apprêtées qui, câlinement, chattement, se pressaient dans l’échoppe du bijoutier ?
Où ?
Et salut à Georges Brassens et à François Villon. Ils n’auraient pas déparé dans les ruelles du Vieux-Lille au temps naguère où elles mêlaient manants, immigrés, prolos, étudiants, horizontales, alignaient bars montants et maisons insalubres louées par proprios rats, sinistres macs et semblaient des coupe-gorge.
À deux pas de la cathédrale Notre-Dame de la Treille construite en 1855, lecteur aléatoirement indulgent, mon semblable, mon frère, excuse l’anachronisme. Le chroniqueur passeur et passager des mots qu’il n’en finit pas d’emprunter, revêt les habits d’un moderne troubadour, d’un trouvère intemporel, d’un jongleur de temps.
Michel L’Oustalot
“ Ces gentes dames, ces beaux messieurs
Où sont-ils, Vierge Souveraine, Mais où sont les neiges d’antan !
Mais où sont les
neiges d’antan ! »