Volée d’articles dans la Voix du Nord, souvent sous la plume experte et bienveillante du journaliste Frédéric Lecluyse, journaux de la téloche, échanges au quotidien avec les voisins, la Basse-Deûle a délié les langues et enflammé les claviers. On vit même des tentes abritant des panneaux d’informations aux infographies comportant d’étranges bateaux dont nul ne connaissait ni le tonnage, ni le mode de propulsion ni la destination. Emme, chroniqueur irrévérencieux, roi autoproclamé de la rue d’Angleterre et guide occasionnel du Vieux-Lille a enregistré de nombreuses réactions : scepticisme des uns sur ce qu’ils considèrent comme une opération de communication, indignation pour d’autres, inquiétude des arbolâtres (les sectateurs du total végétal), enthousiasme pour un retour à l’étymologie, Lille, insula, et vannes sur les promoteurs.
Ils ont déjà gagné, construit devant l’IAE et sablé le champagne, du liquide, toujours du liquide agrémenté de bulles calibrées. La ville est aussi un champ d’intérêts opposés et forcement d’affrontements, Lille en sait quelque chose. Il y a là matière à remplir un nouveau livre de chroniques.Le pire dans une disparition c’est l’effacement du mot. Et elle a tellement disparu :
plus de rue à son nom !
Ouverte en 1924 comme rue du duc de Bordeaux, dénommée rue de la Deûle en 1838, elle est devenue rue Alphonse Colas, peintre d’histoire consensuellement religieux du 19ème. Elle reliait la place du Concert au Grand Rivage, l’autre appellation de la rivière paresseuse née à Carency, aux confins de l’Artois.
Aujourd’hui la Basse-Deûle semble avoir perdu la partie. Mais le parc, choisi pour des raisons écolo-financières, à la surprise de certains, n’aurait rien d’irréversible. Sous le remblai s’activent les génies Nanitos du sculpteur Jean-François Fourtou et que vante la nouvelle saison culturelle Utopia. Ces petits personnages se déplacent sous terre à la vitesse de l’éclair. Invisibles, ils creusent, ils creusent, profondément, sans cesse et en silence sous la férule du Maxitos, ce géant faussement débonnaire à tête de potiron qui cache un méga ordinateur et des capteurs nouvelle génération ultra sensibles. Il campe sur l’Îlot Comtesse à côté du canal Saint-Pierre visible sous le caillebotis longeant le musée. Doté de bras bioniques, armé d’une pelle magique à l’efficacité de dix bulldozers, il donnera le coup final du déblaiement. Il gèrera la ventilation de l’eau, la chasse aux moustiques et dissipera toutes les inquiétudes que soulèvent les projets novateurs et audacieux.
Devant l’IAE affleurent toujours les anciens quais en pierre blanche de Lezennes. Le passé montre la voie (d’eau) au futur.
« Continuons le combat !», un cri guerrier poussé par Jean-Ysengrin Blaireau, grand mamamouchi d’une puissante association de sauvegarde patrimoniale dirigée d’une main de fer, un slogan aux accents délicieusement insoumis.
Elle mérite qu’on se mouille :
élus de tous les bords, de toutes les couleurs, MEL, mairie, département, région, Europe, et surtout assos et quidams…
A la Basse-Deûle, citoyens, si haute dans nos coeurs ! Agir local, penser global, rêver (et jouir) sans entrave !
Parole de soixante-huitard !
Tous ensemble ! Tous ensemble ! Et elle aura fière allure, elle fera un clin d’oeil à Bruges, à Courtrai, à Gand, à Tournai et aussi à Douai …Plus belle, toujours rebelle même canalisée, elle en aura de la gueule, notre Deûle !
Michel L’Oustalot