Chroniques du Vieux-Lille

Parmi les contempteurs, un artiste peintre nonagénaire borderline à la dégaine de clodo ne produisant aucun tableau et un adepte du SM au teint fleuri comme prairie au printemps et taquinant à tout moment la dive boutanche. La plus sournoise, sœur Birgit Von Gent, membre d’une congrégation, traquait sans relâche traces de luxure et débordements en tous genres sur la chaussée, trahissant le profond message d’une religion prônant l’amour du prochain. Elle se tenait à l’affût du moindre denier, quitte à vendre sa vilaine âme au diable. Le Vieux-Lille est aussi lieu de tensions dérisoires et de peu glorieux coups bas.
Heureusement la noria des gentils déposait clins d’oeil, sourires, et bons mots, les amies prenaient la pose.
Le roi raffolait des journées de braderie et de fêtes où il vendait ses ouvrages, haranguant les passants.

  • Le prix Goncourt du Vieux-Lille décerné à la Trilogie du Vieux-Lille !
  • Tiens, il existe un Goncourt du Vieux-Lille ?
  • Pas vraiment ! Pour écrire il faut imaginer, on vient de l’inventer dans la nouvelle rue de l’Art.
    Le trait d’humour occasionnait parfois une vente.
  • Des tranches de vie savoureuses, un zeste d’érotisme, une écriture fluide et des illustrations originales…
    Le terme d’«érotisme» s’avérait à double tranchant :
    adhésion ou suspicion.
  • Monsieur, vous avez une tomate sur le nez.
  • Et vous, vous avez l’oeil du lynx… et c’est le jour des clowns de l’espoir !
  • Moi je ne lis jamais, d’ailleurs je ne sais pas lire.
  • C’est pas grave, il y a de superbes graphismes de l’artiste Marie-Edith Caron, et nous préparons une version audio.
    C’est alors que se produisit la rencontre avec la très jeune fille. Toute menue, dissimulée en partie par d’autres passants, jeans troués et lunettes sévères, elle paraissait 13 ans. Elle s’informa scrupuleusement du prix, des contenus et de la chronologie des parutions. Elle alla consulter sa maman qui attendait dans la foule se pressant devant la boulangerie L’Ogre de Carrouselberg…Le roi se dit qu’il ne la reverrait pas. Elle revint.
  • Excusez-moi, je suis surpris qu’une adolescente fasse un tel achat…
  • Ce n’est pas pour moi, je voudrais une dédicace.
    Elle épela trois fois un patronyme.
  • Puis-je vous demander qui est cette personne ?
  • Mon professeur de français, il a dû quitter le quartier à cause des loyers trop chers, je lui offrirai à la rentrée de janvier.
    Le roi rédigea la dédicace : A Pierre Tieskiewczik …qui a la chance immense d’avoir S pour élève, bonne lecture, belles découvertes au royaume !
    S avait 15 ans, venait d’entrer en 1ère, et préparait le bac français.
    Le roi se remémora ses années d’enseignement et l’énergie dépensée pour donner le goût de la lecture : musées, médiathèques, voyages, expositions, Goncourt des Lycéens, un métier qui ne relevait pas d’une vocation mais confinait parfois au sacerdoce.

En cette période de fêtes, par le truchement d’une ado futée au grand cœur, le roi se sentit pris d’une immense compassion pour ce petit monde, le plus souvent émouvant, parfois exaspérant, à lui si ressemblant, dont il tenait la chronique.

De par le vaste monde, Noël est une trêve, a fortiori pour les guerres, surtout picrocholines et l’archange Gabriel en pension-réfection dans les locaux de l’entreprise Battais à Haubourdin regagnera bientôt la galerie de faîtage de Notre-Dame de la Treille… ALLELUIA !

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