Des livres

La pension de famille de Louisette, « Au Lieu », n’est plus désormais qu’un tas de ruines. C’est ici qu’elle est née, puis a grandi dans les années 50/70. Le « Lieu » est déjà fermé depuis une vingtaine d’années. C’était peu après le naufrage dramatique d’un navire étaplois, dont les hommes fréquentaient le zinc chaque semaine, avant de partir en mer.
Mais les Etaplois n’étaient pas les seuls à se rendre régulièrement en cet endroit. Louisette se remémore alors les marins venus d’horizons différents, et qui, dans la pension de ses parents, l’ont vu grandir, s’épanouir.
A travers les différents portraits des fidèles pensionnaires de l’établissement, qu’ils soient de la marchande, de la pêche artisanale ou industrielle, l’auteur nous plonge dans une ambiance maritime aujourd’hui révolue, que ce soit à Etaples ou Boulogne.
Dominique Dachicourt, fils et petit-fils de marins, né à Etaples dans le quartier du port, ne pouvait se satisfaire d’une chronique ou d’une analyse rétrospective de la vie de ces communautés dans les années 60. En choisissant de proposer un récit romancé, il s’autorise ainsi quelques libertés pour évoquer des sujets sensibles, ceux que les hommes et femmes de cette époque et de ce milieu n’abordaient qu’avec parcimonie, ou enfouissaient sous le sceau du secret. Famille, religion, bâtardise, racisme, deuils, sexualité… Mais les thèmes n’en demeurent pas moins abordés avec pudeur et sensibilité, comme celles qui caractérisent souvent les marins derrière leur apparente rudesse.

Il est aussi question dans ce livre de cette période charnière qui amorce la mutation d’une société, qu’elle soit économique, culturelle, familiale, religieuse… L’auteur la souligne sous différents angles, qu’ils soient purement matériels comme le juke-box Wurlitzer du « Lieu », la bombe de Fly-Tox, les têtes de nègre de la marchande Coco, les footeux des terrains vagues, mais aussi à travers le blasphème de certains personnages, les rites religieux, l’émancipation de la jeunesse, l’éclatement de la famille. C’est aussi une balade sur les rivages (presque) immuables de la Côte d’Opale, de Wimereux à Berck, et même dans les fonds marins de la Manche, qui nous est ici offerte. Dans ce paysage bicolore, vert et ocre jaune, une tache rouge désignait le petit phare Armand, qui, la nuit, lançait des clins d’oeil à son grand cousin d’en face, le phare du Touquet. Le modeste édifice secoureur était noyé dans les dunes plaquées de Camiers, baignées par une lumière si vive au zénith qu’elle en éteignait les contrastes si prisés par les photographes et les artistes peintres, à l’aube ou en fin de journée.
Et qu’il s’agisse de décrire les reliefs sablonneux ou rocheux du littoral, ou les reliefs accidentés de tous ses personnages, Dominique Dachicourt le réalise avec une écriture parfois légère et souvent poétique. L’amour, il n’a jamais su le donner que dans l’obscurité, dans le secret des draps, derrière les rideaux opaques. Ou le jour, sous un épais voile de pudeur. Bien sûr qu’il l’a déjà embrassée, enlacée, fait tournoyer dans la lumière d’été. Mais c’était au temps du bonheur, des rires, de la liberté. Jamais dans le drame. Dans l’ouragan, c’est chacun à son poste, arrimé au mât de misaine. Et on ne larmoie pas. Il y a bien assez d’eau sur le pont.


Le dernier fleurt d Henri Matisse

Sœur-Jacques-Marie fut cette religieuse pétulante qui lui inspira son « chef-d’œuvre », la chapelle de Vence. De 1948 à 1951, le peintre se consacre à la réalisation des vitraux, fresques, clocher… Aragon, Picasso s’inquiètent.

Comment cette jeune dominicaine a-t-elle pu ensorceler le vieux maître ?
La guerre, la maladie, la vocation… Une série d’événements a rendu possible la complicité entre le peintre et cette religieuse : « C’est une sorte de flirt, j’aimerais écrire fleurt, comme si nous nous jetions des fleurs à la figure…», disait-il. Voici l’histoire d’une amitié improbable et merveilleuse, la rencontre qu’attendait Matisse pour récapituler en un lieu plein de lumière et de paix tout le génie de sa création.

Dominicain, le frère Philippe Verdin a publié de nombreux essais, biographies, dont Maurice Druon, Saint Pie V…

Philippe Verdin

Le dernier fleurt d’Henri Matisse
Ed du Cerf – 224p – 17€

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