Eh ben, Jenny, goûtez moi ça !
Qui n’a pas connu Pierrot a raté une bonne occasion de connaître la véritable cuisine, celle des Flamandes bien en chair et des Flamands ventripotents, celle qui s’accroche à l’estomac, la roborative, la copieuse, celle d’une région accueillante et conviviale.
Dans les années 90, à l’heure de la sieste, apparaissait à la télévision un homme bien bâti, solide, à l’accent rocailleux des Flandres qui expliquait à une petite dame aux cheveux blancs comment faire la cuisine qui plaît aux hommes.
C’était Jenny Cléve, passionnée, hypnotisée, au septième ciel quand Pierrot lui tendait l’assiette et lui susurrait, « Eh ben, jenny, goûtez moi ça » et Jenny, gourmande, lui répondait :
Et avec ça, Pierrot qu’est-ce-qu’on boit ?
Scotché à l’écran j’en bavais de gourmandise. La France épicurienne avait découvert sa nouvelle star, Pierrot de Lille. Et puis je l’ai connu en chair et en os, plus de chair que d’os d’ailleurs, mais peu importe, l’homme en impose. Excessif en tout, à table comme en amitié !
Tonitruant, bruyant, gargantuesque, pantagruélique, mais si attendrissant, quand il vous parle de sa tête de veau, de ses tripes, des andouillettes de son ami charcutier, de la viande qu’il choisit lui même amoureusement.
Un jour, il nous annonça, à la fin du repas, qu’il passait la main mais qu’il laissait la maison à des amis de confiance. Il s’arrête, après cinquante ans de passion, pour vivre heureux, prés du monts des Cats, à l’ombre de la cordillère des Flandres pour choyer ses bons gros boulonnais qui en piaffent déjà de plaisir, son chat et son chien. Mais je le connais, il ne pourra pas s’empêcher de revenir en invité, pour être sûr de bien manger et boire un coup avec sa bande de copains, parce qu’il connaît la maison.