il y avait souvent au bar de La Paix ou chez Ronse place du concert un grand costaud qui s’éclaircissait la voix, qu’il avait d’ailleurs bien mélodieuse, à grandes lampées de Walsheim. Ce géant, ce bel homme, qui se disait photographe et pas canteux, devint, bien malgré lui, la star number one de la jeunesse assoiffée de fêtes bruyantes et déjantées. Ouf, on pouvait enfin se rincer le cerveau des âneries de Sheila, niaiseries d’Adamo ou jérémiades de Johnny. Raoul était un meneur et ça nous plaisait bien de le suivre. On allait se laver les gambes au robinet de nos tantes. Les tramways c’était fini, on s’en foutait, on s’entassait à dix dans nos deux chevaux pour aller chez Dimitri à Menin, ou à la Bicoque, avant de finir chez nos copines de la rue de la Clef pour chanter une dernière chanson.
Chétot bieau, ces chants harmonieux, le soir au fond des bistrots.
…Eh, couic couic. Viens par ici que j’la remette dans s’guéole, je vas t’attraper. C’est pas parce que t’as perdu ton homme et son zozieau qui faut pleurer, r’garde Gégéne, y est toudis heureux, c’est un type épatant y te plait pas. Ou Edouard avec sa gros cigare.
Et ches cats, ces quiens tu crois qu’y s’génent, y font ça n’importe du, même dans l’rue, c’est pour dire qui sont heureux.
Alors, console-toi Charlotte, t’as des grosses machines, te devrais être contente, ça plaît à ches zommes. Sacré Raoul, on s’amusait bien et vive les Capenoules.