In memoriam Jean Pattou l’universel peintre d’architecture
Il a anticipé sur son quatre-vingt-troisième anniversaire, un bon repas en famille avec probablement champagne et petit coup de rouge à la fin, et il s’est éclipsé la veille, mine de rien.
L’humour, la facétie, le pastiche étaient bien un truc de Jean. Il avait aquarellisé la Treille, un de ces motifs de prédilection, et remplacé la rosace de Kijno par une tête de Mickey, fallait être gonflé ! Iconoclastie vivifiante, roborative, Jean ne s’effrayait de rien, avec pinceaux et aquarelles il refaisait le monde. de Paris à New-York, de Chicago à Istambul et à Stockholm.
L’horloge de la gare Lille-Flandres avait pris les traits de Martine Aubry, col stict et veste bleue Mao sous un jour avare en sourire !
Homme de gag, Jean avait inventé le champagne à trois balles, vin blanc et eau de badoit, sans déposer la marque, à la portée de toutes les coupes, difficile de faire moins cher. Si la durabilité d’un couple tient au désir, à l’amour et l’énergie consommée ensemble dans des réalisations, Jean et Martine cochèrent ces trois cases. Après leur rencontre à l’école d’architecture de Paris, ils se prirent pour mari et femme.
Ses fresques intitulées L’EUROPE à LILLE dans la gare éponyme, sa chapelle sixtine, avaient bien falli ne pas voir le jour sans son opiniâtreté et le soutien de Gros Quinquin, le regretté édile lillois. Travail de démiurge, sa chapelle sixtine convoque l’Europe de la Sagrada Familia aux temples grecs et le monde : Chrysler Building, pont de Brooklin…Elles offrent aux voyageurs ces montages dont il a le secret et des buidings à l’état d’esquisse, peut-être ceux qu’il rêvait d’édifier. Pour l’artiste qui a exposé partout, sans doute son œuvre la plus regardée et un patrimoine unique et fragile à entretenir sans traîner. Avec la statue de la Déeese, la Vielle-Bourse et les géants qu’il affectionnait, il avait posé Lille au centre du monde.
Nous voyons la ville au quotdien, souventes fois nous ne la voyons plus, Jean nous a légué une cité imaginaire qui se superpose au Lille réel, motivante pour continuer et porter les combats dont il était coutumier. Refus de l’agrandissement du stade Grimonprez-Jooris avec les assos « Sauvons le site de la citadelle de Lille et « Renaissance du Lille Ancien » (gagné) dans les années 2000, conservation de la chapelle Saint-Joseph dans les murs de la Catho (2010, perdu) et améngement de la place des Archives (résultat mitigé)… Jean n’avait pas ménagé sa peine.
Jean et Lille bleue : une passion. Il multiplia études et propositions d’aménagement, souvent sans résultat. Si grands que soient les créateurs, ils sont ce que nous sommes, connaissent et peuvent engendrer la déception, comme les autres hommes. Ils s’enflamment, ne comptent pas le temps, endurent nos frustrations et meurent sans voir tous leurs rêves prendre matérialité dans la cité. Jean travaillait tout le temps, dans la lignée d’un autre coureur de planète ami des peintres, Blaise Cendrars qui écrivait « Il n’y a pas d’espérance et il faut travailler ».