Un conte de Noël dans le Vieux-Lille
Il était une fois dans le Vieux-Lille Emme, un roi auto-proclamé et malchanceux. Il ne possédait ni le moindre arpent de jardin, même collectif, même potager, ni le moindre m² de balcon, même décrépit, un roi sans terre en quelque sorte. Pourtant, depuis son triplex sans vis à vis sous les toits de la rue d’Angleterre, la ville s’offrait à lui. Dans l’encadrement posé à gauche par la tour si décriée du palais de justice qu’il avait au fil du temps prise en affection et le clocher de Sainte-Catherine à droite, il lisait l’heure à l’horloge de la chambre de commerce, tant il est vrai que si les hommes élèvent des constructions, ces dernières les habitent. Le roi matait les trois Grâces dorées du pignon de la Voix du Nord, préférence sans fondement pour celle représentant le commerce, et, cerise rituelle sur le gâteau de la ville, la grande roue au temps de Noël scintillait dans sa fenêtre.
Alors pour soulager son infortune, le roi se rendait rue des Vieux-Murs.
Il s’asseyait sur une des chaises de camping posée devant les tables rondes au design chicos et causait avec Dame Mylène et Compère Narbé, des galeries Myl’ART et LIL’ART. Mylène brunette piquante, boule d’énergie n’avait pas sa langue dans sa poche, Narbé, peintre de toits bleu-gris bluffants portait certains jours, en souriant, la tristesse d’Olympio. Ils échangeaient moult propos courtois et amusés sur le peu de passants dans cette rue qui, jadis en piteux état, avait échappé aux destructions et méritait des temps meilleurs. Ils devisaient sur le métier de galeriste dont le vulgus ne soupçonne pas la dureté, sur la versatilité des acheteurs qui, sans crier gare, sacrent des nouveaux venus et délaissent des artistes de métier. L’art, une des plus belles manifestations de l’activité humaine, fine fleur du capitalisme qui les régente toutes, et dont pourtant nous ne pouvons nous passer, offrait ainsi un sujet inépuisable. Cafés, mousses, biscuits, apéros accompagnaient leurs libres propos. Sous les ailes métalliques des oiseaux de Marcel Timmers et devant les marbres effilés de Bruce, le temps passait plus léger…
Le roi ne comptait pas que des amis. Certains barons l’ignoraient, d’autres se gaussaient et passaient leur chemin en haussant les épaules.