Alain Cadet raconte….

Survivre à Lille pendant l’Occupation 1914 – 1918

« Les Boches ont voulu détruire nos intelligences, nos vies, ils ont enlevé nos sœurs et bien des mères… Gloire immortelle, affectueuse et reconnaissante, à la courageuse et loyale Belgique. »

Cette inscription, soigneusement calligraphiée à la craie, et les visages émaciés en disent long sur l’état d’esprit des enseignants et des élèves à cette rentrée 1919 qui a suivi la longue période d’occupation de la ville pendant la Grande Guerre. Ces enfants ont subi quatre années de disette
et de de privations. Ils ont connu le froid et un environnement sanitaire désastreux.
Ce sont des survivants !

A la libération de la ville, Lille qui en 1914 comptait environ 220 000 habitants, en a perdu quasiment la moitié. Durant ces années terribles, on va enregistrer 23 000 décès pour 8500 naissances. L’Allemagne, qui a prévu une guerre courte, n’a pas anticipé la diminution drastique des ressources alimentaires, pour sa population comme pour celle des territoires occupés.

Dès 1915, dans le Nord, on manque de tout ! Les Lillois sont sous-alimentés. Dans ces circonstances, les organismes sont affaiblis et diverses maladies et épidémies se développent : la dysenterie, le choléra, le scorbut, la variole, la
tuberculose… Elles frappent en priorité les personnes âgées et les enfants. Le taux de mortalité a plus que doublé en quatre ans. En 1918, plus de 80% des adolescents lillois ont un poids et une taille inférieurs à la moyenne. L’ingénieur américain Herbert Hoover qui, en 1928, deviendra le 31e président des Etats-Unis, est chargé d’organiser l’aide alimentaire des territoires occupés à travers le Commitee for Relief in Belgium  (CRB). « Il compare ceux-ci à « un vaste camp de concentration dans lequel toute espèce de vie économique est totalement suspendue » ». Le comité américain va pouvoir en liaison avec le  Comité National Belge et le Comité d’alimentation du Nord, créé en avril 1915, subvenir en partie aux besoins de la population des zones occupées. Débarrassés du problème du ravitaillement des civils, les Allemands laissent faire. Après l’entrée en guerre des États-Unis, le CRB sera relayé par le Comité Hispano – Hollandais. Les denrées de première nécessité arrivent au port de Rotterdam et transitent via la Belgique. Elles constituent la plus grande part de l’alimentation des habitants de la ville. 

En 1915, la ration moyenne

d’un lillois est de 1800 calories par jour, alors que pour être en bonne santé, il en faudrait 2200. En 1918, cette ration est descendue à 1500 calories ! Sur le marché privé on peut espérer obtenir deux cents grammes de farine par semaine et par personne si on a de quoi les payer, rien dans le cas contraire ! Sur 150 000 Lillois, seuls 35 000 possèdent des ressources suffisantes pour vivre. Le charbon du chauffage, le tissu des vêtements, le cuir des chaussures… et bien sûr, les médicaments, sont introuvables. Dans cette situation, le marché noir se développe Un œuf qui valait dix centimes en 1914 vaut 2,25 francs en 1918.

Le kilo de jambon passe de 4 à 60 francs en quatre ans. Malgré la mise en place de cuisines populaires, les Lillois restent dramatiquement sous-alimentés. Mais ce travail des comités et des organisations humanitaires préservera en partie les Lillois de la famine et sauveront des milliers de vies.

Des monuments, pour se souvenir

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