Jean Brisy (1924-1991) et
effervescence rue de la Monnaie
– Cofondateur de l’Atelier de la Monnaie
– Sculpteur et céramiste.
– Créateur d’œuvres abstraites dégagées de tout aspect fonctionnel.
– Jeu avec l’espace, la forme et la lumière avec une prédilection pour les bleus et les rouges.
– Représentatif de l’esprit créatif et libertaire de l’Atelier de la Monnaie.
Rues de la Monnaie, de la Collégiale, Saint-André : Petit Théâtre du Pont-Neuf, Conservatoire, École des Beaux-Arts, Atelier de la Monnaie, 1970 les vertes années: autant de lieux qui rimaient avec Créativité, Festivités,
Juvénilité, artefacts d’Éternité.
C’est extraordinaire que des années 60 à 70, tout ce qui était artistique à Lille se concentrait sur 600 mètres:
en gros dans la rue de la Monnaie du bar tabac de madame Tricoit au café de monsieur et madame Ronse , braves petits vieux qui nourrissaient tous ces artistes.
De la place du Concert École des Beaux Arts, atelier de jean Brisy ,atelier de la monnaie et bien sûr, Cyril Robichez,
et ses théâtreux. Génies ou charlatans, peu importe, le tout était d’en faire partie.
Et c’était bien agréable.
FEMME D’ARTISTE
Béatrice Brisy l’amante fusionnelle
La fleur bleue qui recherchait un vase… et trouva un potier.
J’avais quatorze ans quand je pénétrais dans l’atelier de Jean, rue de la Monnaie, mille francs en poche,
il en avait trente-quatre, épouse et mouflets de huit et trois ans. Le vase coûtait huit mille francs,
pour moi hors d’atteinte. J’avais menti sur mon âge. Quand Jean l’apprit il me donna rendez-vous aux calendes majoritaires, à l’époque 21ans. Il me rendit dans un baluchon disques, livres et autres affaires déposées subrepticement chez lui. Je grandissais, éloignée en pension chez les Ursulines d’Arras. À dix-huit ans, ayant gagné l’indépendance financière, je me considérais comme majeure et revins à l’atelier. Je devins la deuxième Madame Brisy
à vingt quatre ans.
La concurrence était rude avec d’autres femmes dans ce milieu très masculin.
J’ai rencontré Gisèle Frézin, Mania, Lise Oudoire, Bougelet, Claudine Plantain,Van Steelant et aussi Guy et Madeleine Montpellier, disquaires et mécènes de l’Atelier avec Jacques Dauberas.
A l’Atelier les créations fleurissaient, les oeuvres resplendissaient, les artistes s’éclataient …et les liaisons rhizomaient, duraient un jour ou des années.
Jean fut mon premier flirt, mon premier amant, mon père…
Les hommes passaient les nuits à tchatcher, à boire et à chanter, et quelques femmes aussi.
Je bossais comme institutrice, me couchait tôt. Comme mes soeurs amoureuses, je faisais bouillir la marmite, entretenue également par Parrain et les Montpellier.
Je confectionnais des bijoux en céramique vendus d’ un étal Place du Concert à Lille aux marchés de Provence l’été.
Le dimanche, j’ouvrais le rez de chaussée de notre maison transformée en galerie et accueillait les visiteurs qui filaient ensuite rue de la Monnaie.
Jean m’ apprit à nager, aux Bains Lillois, façade Art Nouveau, boulevard de la Liberté à Lille, son enseignement ne m’a jamais quittée, utile aussi pour évoluer en des eaux parfois troubles au milieu des requins.
Veuve à quarante-six ans : l’humidité des caves où il créait ses cuissons, les oxydes, le masque d’émaillage non porté,
les heures interminables de travail, les cigarettes roulées en quantité pour lutter contre l’anxiété lors des créations, emportèrent mon Amour dans son sommeil.
Aujourd’hui je suis la gardienne du temple, la grande et unique prêtresse d’un culte tout voué à Jean.
Avec quelques fidèles, je montre ses oeuvres, à notre domicile, monte et participe à des expositions.
Tout dans cette maison place aux Oignons, tout respire Jean, nos étreintes, nos longs échanges dans le bain, nos rires, mes plantations et cette euphorie quotidienne de tracer un chemin qui n’appartenait qu’à nous.
Les lieux comme les oeuvres fixent et vivifient notre mémoire.