Du côté de la Maison des Femmes
« Et s’il était à refaire je referai ce chemin…
Louis Aragon
La voix parle pour les lendemains »
Emme le chroniqueur a suivi le conseil de son ami Jihem, directeur de La Gazette de Lille. Il a quitté son très cher cocon vieux-lillois et a rencontré dans le quartier de Moulins le collectif de la Maison des Femmes. Un jour d’avril 2023 qui n’était pas un poisson, la MdF invita Emme. Il prépara l’interview avec le schéma euristique, comme pour un concours de catégorie A. Passage, semble-t’il, réussi.
— Emme : La Maison des Femmes c’est la Cité des Femmes ?
— Le collectif : Non, crénom de nom ! Rien de patriarcal, de fellinien ou de manichéen en ce lieu.
— Emme : La Maison des Femmes, c’est un endroit où les hommes sont guillotinés après émasculation au couteau de boucher et pendaison haut et court ?
— Pas de paranoïa, les hommes ne sont pas exclus à la mdf. Ils sont invités à réfléchir sur eux-mêmes, à changer certains comportements, à dialoguer, ça prend du temps, nécessite échanges et mérite accompagnement.
— Et la déconstruction, ça fout les foies, non ?
— Pas de bulldozer ni de pelleteuses à la MdF, Dieu merci, Inch Allah, Shalom Alekhem, mais un local accueillant, bien situé dans Moulins ! La métaphore choc est-elle plus choquante que, tous les trois jours, le meurtre d’une femme par mari ou ex, les viols par légion, sans oublier les mains aux fesses et les différences parfois maousses de salaires ? C’est le produit du patriarcat, un système organisé et souvent inconscient qui détruit les femmes, parfois à leur insu…et déshumanise les mecs.
— Avec tous ces mots nouveaux binarité, intersersectionnalité, cisgenre, camp… qui donnent le vertige, filent le bourdon et mettent les boules, les mecs doivent se préparer à sauter dans le vide sans parachute, à faire le grand plongeon sémantique… ?
— L’oppression cachée crée des mots nouveaux, des concepts pour rendre visible ce qui était intériorisé comme norme. Alors oui, les changements sont inconfortables, mais gérer l’inconfort ne vaut-il pas mieux qu’accepter, conforter l’injustice et s’en rendre complice ?