La société a besoin des auteurs, hommes et femmes qui permettent aux lecteurs d’extraordinaires ouvertures au monde. Libres dans leurs expressions littéraires, riches de leurs différences, de leurs cultures, de leurs spiritualités, ils réussissent par les mots et les phrases à toucher le cœur et l’intelligence de lecteurs inconnus, en une relation étrange : l’auteur ne connaît pas son lecteur, le lecteur lui, découvre presque tout de l’auteur à travers ses écrits résultats de ses recherches, de ses observations et de l’analyse de tout ce qu’il découvre. L’auteur offre à son lecteur le rêve, la distraction, la réflexion, l’enrichissement intellectuel…
Le livre crée un rapport humain assez étonnant : toute l’intériorité d’un écrivain se transforme en un objet commercial – il ne faut pas l’oublier, car un éditeur accepte de publier un livre s’il en devine la capacité de vente – donc le livre est un objet dont on voit l’emballage sans en connaître le contenu. L’auteur met des mois ou des années à écrire un livre qui peut ressembler… à une sorte de boite de conserve que le client doit ouvrir pour en apprécier tout le goût !
Ecrire un texte n’est pas simple : comment travailler et écrire pour acquérir un style simple, sobre, vigoureux, distingué, personnel ? De telles qualités ne s’acquièrent que pas un consciencieux et persévérant travail. C’est le labeur de la prose, avec ses tâtonnements, ses corrections répétées, ses larges refontes, ses retouches du détail, ses exigences et ses tourments qu’ont connus tous les « grands » écrivains, tels Balzac et Flaubert parlant du « supplice littéraire »… et que connaissent tous les auteurs en général ! L’art d’écrire, comme dans les autres arts, ne s’acquiert qu’à force de travail, mais il faut que ce travail ne se fasse pas sentir. Les écrivains rêvent peut-être de ressembler à Théophile Gautier qui disait « Au bout de ma plume, la phrase arrive retouchée déjà, choisie, et définitive. C’est dans ma cervelle que les ratures sont faites »
Et sans doute est-il bon de rappeler ce que Jean de la Fontaine disait « Ne forçons pas notre talent, car alors nous ne ferions rien avec grâce ».
Le succès d’un livre est donc surtout dû à sa qualité littéraire, d’abord et avant tout. Puis vient ce petit quelque chose de mystérieux qui lui permettra de trouver le chemin du lectorat.
Un jour, dans un salon du livre, une petite fille m’a regardé, étonnée, et m’a dit: « mais c’est vous qui avez écrit ce livre… alors pourquoi, vous n’êtes pas morte ? »
Elle a raison cette petite fille, et c’est vrai que les livres rangés sur des étagères, ou les auteurs attendant tristement le lecteur dans les salons du livre, ne donnent pas toujours une image particulièrement tonique et moderne de la littérature.
Alors que les auteurs rendent leurs livres vivants. Qu’ils soient imaginatifs, créatifs, heureux de ce qu’ils font et de qui ils sont … c’est la clef du bonheur des lecteurs !
Elisabeth Bourgois