Roubaix 70’s : itinéraire d’un flic ordinaire
Luc Watteau m’attendait au comptoir d’un bar décoré d’affiches de Johnny et de publicités de marques de bières, une bouteille de Bourbon, deux verres et une pile de polars en évidence.
Normal, il a été nourris aux polars et au rock’n’roll. Motard et collectionneur de vinyles, il s’est mis à écrire après une longue carrière dans la police.
Ce qui rend d’autant plus passionnant ses récits c’est qu’il est très facile de reconnaître les lieux et quelques sombres faits divers qu’il a eus à traiter. Bien sûr toute ressemblance avec des personnages ou faits divers ayant existé serait pure coïncidence, et pourtant…
A l’époque, on respectait encore les policiers.Pas de provocations ou de rodéos assourdissants, peu d’affaires de drogue.Nous étions mis au courant de toutes les petites histoires du quartier par les commerçants du coin.Ça se passait en famille si j’ose dire, les délinquants Roubaisiens travaillaient sur Roubaix idem pour les Tourquennois. Une sorte d’entente cordiale entre voyous. 28 ans sur Roubaix et j’ai terminé ma carrière à la Sûreté Départementale du Nord (adjoint au chef S.D 59). Pour vous dire que J’ai encore de la matière pour mes bouquins.
Itinéraire d’un flic ordinaire
Se lever avant le soleil, quand on n’a pas encore 25 ans et qu’on est inspecteur de police, c’est banal.
Pourtant, à chaque fois que cela arrive, le pékin moyen que je suis se muait en un drôle d’être, mi chasseur, mi traqueur, car c’est signe d’une nouvelle aventure arrosée d’adrénaline.
En ce jeudi de fin septembre, je quitte le confort douillet de mon coupé Alfa Roméo rouge, vieux de dix ans, pour pénétrer en frissonnant dans le petit commissariat de mon quartier, des quartiers nord de cette cité économiquement en chute libre depuis le milieu du siècle. Le décor est planté. Tout y est, le matin gris, humide et froid, l’adrénaline, le coupé Alfa Roméo rouge. Les quartiers nord défavorisés d’une ville en pleine crise économique… Non, ce n’est pas la vie d’un flic américain dans un quartier glauque du Bronx New-yorkais, c’est la vie de tous les jours de Luc Watteau, nommé dans un commissariat du premier arrondissement de Roubaix, à la fin des années 70.
«Durant les premières semaines, je m’étais retrouvé en apnée dans un monde étrange .
Les quelques notions de droit que j’avais pu acquérir à l’école ne me servaient à rien et j’avais très vite capté, qu’il existait un gouffre entre la théorie et la pratique.
Je m’attendais à côtoyer de vrais truands, de vrais méchants, de fins cambrioleurs, de vrais escrocs.
Que nenni ! 98% des affaires du quartier concernaient des alcooliques analphabètes, des enfants de l’immigration ne voulant pas marcher dans les traces laborieuses de leurs aînés.
Des coups et blessures entre époux, entre voisins, entre gosses, entre tout le monde.
En réalité, les quelques vrais durs du quartier étaient beaucoup plus discrets, et c’étaient ces types là qui faisaient tout l’intérêt du travail que j’avais choisi.