Salut les Artistes

Yvon Delaporte

J’avais d’abord rencontré tes œuvres avant de te connaître et j’en étais resté figé. Je me souviens d’un portrait, en camaïeu bleu de Matisse, que tu avais brossé avec tout le talent que tu avais. Le maître surgissait de l’œuvre, c’était de l’art majeur.

Et puis je t’ai connu: malicieux, doux, vif d’esprit, malentendant mais tellement communicatif.

Chez toi, assis sur le canapé devant la télé toujours allumée pour ne pas rater le foot et le tiercé, on parlait d’art, et ton petit chien nous écoutait en souriant.

Quand tu t’es mis mis à vieillir, tu allais moins souvent à ton atelier des merveilles, tu peignais bien au chaud, dans ton appartement.Partout et tout le temps, sur les portes des placards, sur un bout de carton ou sur une toile toujours disponible sur le chevalet.

Si je te parlais peinture, tu me coupais immédiatement. «Il n’y a rien à expliquer, la couleur c’est la lumière, la lumière c’est la couleur.

«Si tu penses l’arbre rouge, tu le peins en rouge, si ton soleil est vert, c’est qu’il est vert. Si tu vois un toit bleu c’est qu’il est bleu. Le reste c’est du bla bla bla, l’intuition ça vient d’ailleurs, ça ne s’explique pas.» Tu me racontais aussi tes rencontres, tes regrets, la vie tout simplement. Le Solesmes de ton enfance, ton amour du foot, la grande époque comme tu disais, celle du Losc de Baratte et Tempowski, ces joueurs mythiques que tu dessinais sur tes cahiers d’écoliers.

Les arts déco, la découverte de la lumière de Vermeer, des corps envoûtants de Klimt, du chatoiement des couleurs chez Bram Van Velde.

Et puis, Nicole ! Un tournant dans ta vie artistique. Ce fameux jour où tu m’as dis avoir quitté ton corps pour devenir léger comme une plume et voir, de la haut, ta main virevolter sur la toile faisant apparaître le portrait de Nicole, libéré enfin de l’art officiel, triste et convenu, dans lequel tu t’enfonçais..

Ces derniers temps tu peignais tous les jours avec le pressentiment qu’il fallait que tu nous laisses le plus possible de souvenirs. Tu fais partie des plus grands de chez nous, comme Baudelot, comme Krakowiak.

Merci Yvon, de m’avoir permis de te connaître.


Guy Ciancia

C’était dans un estaminet de Fives, d’un quartier populaire dans une rue sans joie, à deux pas du métro et de la rue du jambon, par un soir pluvieux que nous étions venus savourer ta prosodie.

Amis, admirateurs, nostalgiques du mois de mai, gourmets des jolis mots, inconditionnels ou assoiffés, nous te suivions, le plus souvent possible, où tu poétisais.

Tu apparus, sobrement vêtu, décontracté, empli de jeunesse d’esprit, nous saluant au passage, semblant ravi et étonné de notre présence.

Ta tignasse noire et bouclée dénonçait le poète lunaire. Tu avais la dégaine des artistes qui ont bourlingué de scènes de théâtre en arrières salles de bistrot, gargotes ou caves à poètes.

Nous étions venus écouter tes rengaines, car on aimait tout en toi, ta voix, tes trous de mémoire, tes mélodies à l’harmonica, ton humour et ton sourire complice. Tes textes beaux comme des dentelles ciselées dans la plus pure des langues, jeux de mots, calembours juxtaposés qui nous faisaient tant sourire et que nous attendions, silencieux, pour mieux les savourer. Guy, tes textes sont des feux d’artifice de mots qui nous mettent en joie. 

Toi, qui préférais te ranger aux cotés des innombrables génies quotidiens non conformistes et discrets dont Wazemmes fourmille, tu étais, pour beaucoup d’entre nous, bien plus que ça. 

Et même, comme tu essayais de nous le faire croire, ton père n’était pas dompteur de puces, celles qui nous chatouillaient le prépuce.Même si tu ne jouais pas de mirliton dans la rue du Jambon, peu importe.

Nous continuerons à nous  taper les nichons par terre, faisant jaillir des larmes de crocodiles tristes sans avoir besoin d’oignons pour pleurer, puisque ce sera de rire et de sourire.

Maintenant c’est au pape et ses papilles de danser puisque tu n’es plus là pour le moquer.

Dans ta rue, il y a toujours un chien qui t’attend et au bout de sa  laisse une gonzesse sans soutien.

Et si les filles du labrador transpirent toujours l’amour par chaque pores, celles de Loire atlantique, sont, hélas, toujours réfractaires comme des briques. 

Alors, Guy, s’il te plaît, laisse encore tourner le limonaire, même pour une chanson sans joie, ça nous fait tellement plaisir.

Jihem

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